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Présenter Marie-Madeleine Davy n’est pas une entreprise facile et faire sa biographie encore moins. Tout ce qu’elle a pu écrire à ce sujet ou laisser comme confidences, peut autant nous égarer que nous éclairer. L’allusion, la litote, la métaphore et la métonymie y abondent. Ce n’est pas pour rien qu’elle parlait sans cesse de " l’ami des mystères ". Sa " personna " était à la grandeur de sa célébrité et elle adorait voiler derrière un masque de mondanité et de présentation conventionnelle la profondeur de sa vie spirituelle. L’art de se cacher derrière des citations pour pouvoir dire sans dire ne doit point nous éblouir. Bref tout doit être l’objet d’un décryptage constant. Interlegere c’est savoir lire entre les lignes. De plus s’il y une personne que l’on ne puisse pas réduire à sa biographie, c’est bien M.M. Davy. Ce qu’elle apportait et ce qu’elle laissait la traverser était mille fois plus important que quelques précisions de dates. Mais d’autre part il existe tellement d’inexactitudes et d’erreurs à son sujet qu’il importe de pouvoir les rectifier rapidement avant que la légende hagiographique ne s’installe. La science historique et le besoin de connaître la vérité ont aussi leurs droits. Qui était la véritable M-M.Davy ? Qu’a-t-elle fait et comment a-t-elle vécu ? |
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M-M. est née le 13 septembre 1903 à Saint-Mandé dans la banlieue parisienne. Elle nous décrit son père comme soigneux, impatient, fumeur, grand amateur de lecture et absolument pas bricoleur. Le personnage important de son enfance est sa grand-mère paternelle qui vivait dans les Deux-Sévres, près d’Agenton-Château, à " La Roche aux Moines " par Saint-Clémentin. Le château, acheté par son grand-père notaire, était entretenu par un couple de jardinier-cuisinière. Grand-mère avait eu trois fils. Oncle Louis était mort à 16 ans d’une chute de cheval et elle ne connaissait que sa chambre religieusement conservée en l’état comme une chapelle commémorative. Oncle Octave était un personnage considérable, juriste, politicien, socialiste, bavard. Il vivait à Paris comme avocat dans le dix-septième arrondissement et lui avait donné l’amour de la lecture à dix ans. L’été il essayait sur elle ses interminables discours politiques à la Jaurès, auxquels elle ne comprenait rien. Sa mère était une fille d’Officier de Marine, effacée et vouée à la musique et à la peinture comme les jeunes filles de bonnes familles de son époque. M-M. en donne une présentation embarrassée et finalement très négative. Elle ne lui aurait jamais fait un compliment et n’arrêtait pas de dire : " Je ne sais pas ce que j’ai fait au Bon Dieu pour avoir une enfant pareille ". Elle était jalouse de la bonne à tout faire Nini, que semblait préférer M-M. Rien n’était à elle, sa mère donnait régulièrement à d’autres ses vêtements et ses jouets. Elle n’a jamais parlé de sexualité. Elle vivait près de la rue du Four dans le sixième arrondissement de Paris et avait une sœur aînée qui était religieuse de Saint-Vincent de Paul à la rue du Bac dans le septième arrondissement. M-M. dit que son journal écrit vers les dix ans avait été " souillé " par la lecture de sa mère. Et son premier roman raconte comment une mère abandonne sa fille, élevée par un chien. Son second roman, publié à l’âge de 82 ans, raconte encore la même histoire d’une mère qui n’aime absolument pas son enfant, échappé à un avortement et le fait élever par la grand-mère, professeur de yoga. " Dois-je l’avouer, ma famille m’était devenue étrangère. Ma vraie parenté, je l’éprouvais à l’égard de la nature ". En revanche M-M. s’étend en détail sur son amour de la nature à la campagne chez la grand-mère. Elle n’était jamais louée, mais on lui avait appris à ne jamais se plaindre. Elle adorait manger des fleurs, elle buvait cinq thés par jour et prenait plusieurs bains par jour. Elle a lu à cinq ans et écrit à dix ans. C’était un vrai garçon manqué, elle détestait les robes et en 1908 elle ne portait déjà que des shorts ou des pantalons. Par la suite je ne sais pas si elle possédait des robes, je l’ai toujours vu en pantalon. Sa mère lui reprochait de ne pas mettre les adjectifs au féminin et de parler d’elle-même au masculin. M-M. aimait tellement le jardin, le parc, la rivière et les étangs autour qu’elle descendait la nuit de sa chambre du premier étage par une corde à nœuds pour aller courir partout dans la nuit. Elle parlait aux arbres et s’identifiait à eux, ainsi qu’à toutes les espèces vivantes. Elle aimait se retirer à part, se tenir seule dans la nature sans bouger. A dix ans et demi pour sa communion solennelle, elle s’est rebellée et a refusé l’existence de l’Enfer que le curé lui enseignait et elle en est tombée malade. M-M. ne dit rien de la Grande Guerre 14-18 qu’elle a vécu de 11 à 15 ans. Simplement son enfance se termine en 1918, quand elle a 15 ans et que meurt sa sœur aînée qui en avait 20 et dont elle dit qu’elle était sage et avait appris à jouer du violon. Mais nous savons que M-M. se jugeait très laide avec de gros yeux, de grandes dents comme Fernandel et une voix d’homme qui faisait qu’au téléphone, on l’appelait toujours " Monsieur ". En 1919 c’est sa grand-mère qui meurt et Oncle Octave hérite du château de la Roche-aux-Moines, où elle ne va plus. En 1920 elle obtient son bac à 17 ans avec mention et elle aurait eu des prix de grec et de latin au Concours général. En 1921 à 18 ans elle s’inscrit à la Sorbonne et quitte sa famille pour s’installer dans un studio boulevard Saint-Michel. Cela ne se faisait à cette époque et provoque donc une rupture. Par conséquent pour avoir sa liberté, elle doit subvenir à ses besoins. Sa famille ne veut plus lui payer ses études et elle doit pour vivre donner pour commencer des cours aux enfants, puis elle devient la secrétaire de Julien Benda. |
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M-M. va être étudiante pendant plus de douze ans en philosophie et en histoire. Elle étudie l’anglais, l’allemand, le grec, le latin et l’hébreu. Sa chance va être sa rencontre avec le Professeur d’histoire médiévale Etienne Gilson qui la conseille et la guide. Elle se spécialise dans le latin médiéval et plus particulièrement dans le douzième siècle, qu’elle nomme le " siècle solaire ". C’est très rapidement une étudiante très particulière qui fréquente ses professeurs de philosophie de la Sorbonne dans différents salons, comme celui de Marcel Moré, et/ou reçoit chez elle Gaston Bachelard, Robert Aron, Jean Wahl, Jean Burgelin, Maurice de Gandillac, Jean Hypolite, Vladimir Jankélévitch, etc. Son besoin de relations mondaines et amicales fut tel qu’elle a connu tous les gens célèbres de son époque, sauf dit-elle Henri Bergson, René Guénon et Jean-Paul Sartre. Alain elle l’a rencontré deux ou trois fois au Collège Sévigné où il donnait des cours après sa retraite du Lycée Henri IV. Mais elle a mieux connu Paul Valéry, François Mauriac, André Gide, Pierre Teilhard de Chardin, Carl-Gustav Jung, Antonin Artaud, Henri Corbin, Georges Bataille, Monseigneur Jean Daniélou, Louis Massignon, Gurdjieff, Arthur Adamov, Roger Godel, Krishna Ménon, Gaston Fessard, Lanza del Vasto, Jacques Lacan, Jean Grenier, Puech, Mircea Eliade, Abélio, Jean Paulhan, Emmanuel Mounier, Paul Ricoeur, etc. Puis elle a reçu " les jeunes " Michel Butor, Gilles Deleuze, Michel Tournier, etc. Elle a surtout fréquenté, admiré et été inspirée par la philosophe Simone Weil, Gabriel Marcel et Nicolas Berdiaev, sur lesquels elle a écrit un ou plusieurs livres. Je l’ai d’abord connu par un ami commun Léon-Jacques Delpech, Professeur de Psychologie à l’Université de Paris VII, dont toute la joie était aussi de déjeuner à midi avec une de ces célébrités et qui en connaissait sans doute plus qu’elle, en tant que Président de la Société française de Cybernétique fondée par Coufignal. Ils se téléphonaient tous les matins à huit heures et parfois encore dans la journée. Ils ont aussi connu des femmes célèbres comme Valentine Hugo, Clara Malraux, Marcelle de Jouvenel, Maryse Choisy, Véra Daumal, Germaine Meyer, Madeleine Zay, Raïssa Maritain, etc. " J’avais énormément d’amis et de relations " écrit-elle simplement. Grâce à des échanges d’étudiants, elle séjourne en Allemagne, aux USA, en Hollande, Norvège et dans les pays de l’Est. Puis elle sera assistante à l’Institut français de Berlin, à l’Université de Manchester (47-49), au Bedford Collège de Londres, où elle fera un long séjour. En 1934 elle publie chez Vrin des traductions de Guillaume de Saint-Thierry et chez Grasset un livre sur " Les Dominicaines, initiatives nouvelles dans l’Ordre ". A cause de cette dernière publication, elle va diriger pendant un temps dans son appartement de la rue de Faubourg Saint-Jacques un " monastère de Dominicaines ", studieuses étudiantes non cloitrées, dont elle n’avaient pas gardé un bon souvenir. A la demande d’Etienne Gilson, elle commence des études de théologie à l’Institut Catholique de Paris " avec une souffrance indicible ", elle est la première et la seule femme admise, mais reléguée au dernier rang de l’amphi. Son entrevue avec le Directeur Monseigneur Baudrillard après avoir obtenu son Doctorat en Théologie catholique en 1941 sera horrible. Cette théologie sans âme, sans esprit, dans la fuite de la spiritualité et de l’intériorité, lui paraît être un simple jeu intellectuel d’orthodoxie hérité de la Sainte Inquisition : " Ils traquent les déviations doctrinales comme le chien traque le lièvre en bavant de plaisir ". Et de fait ils ont par leurs condamnations brisé la vie et la carrière de bien des espoirs (Le Roy, Laberthonnière, Tyrell …). M-M. obtiendra aussi un Doctorat de Théologie protestante dont elle parlait peu. Après sa déception elle sera de plus en plus attirée par les Orthodoxes russes, au point de songer à se convertir et elle donnera des cours à Sainte-Irénée boulevard Blanqui. Notons qu’elle ne parlait jamais de la Vierge Marie ou de Jésus et n’a rien écrit sur eux : hors des formes, elle restait sur l’essence divine ou l’Absolu. La période de la seconde guerre qu’elle a connu 39-45 va tout intensifier. Elle entre dans la Résistance en novembre 1940, dans un réseau qui agit et qui ne se contente pas de palabrer dans les cafés comme celui de Sartre. Elle a un appartement rue Cujas en face de Sorbonne où elle cache des résistants sous le couvert d’un Centre de conférences culturelles. Le réseau met à sa disposition le château de La Fortrelle, près de Rosay-en-Brie, pour y cacher les réfractaires au travail obligatoire en Allemagne, les juifs et les aviateurs anglais ou américains. Sa couverture sera encore des Colloques où elle réunit toutes les célébrités de l’époque. Elle recevra pour cela la Croix e guerre Médaille d'argent remise par De Gaulle en 1945 et des décorations anglaises, belges et américaines. Sa totale indépendance d’esprit se marque à ce que ce même château lui servira à cacher et sauver des Pétinistes lors des jugements sommaires et exécutions de la Libération. Elle obtient enfin son Doctorat en Philosophie avec la mention très honorable, en 1946 sur " Théologie et mystique de Guillaume de Saint-Thierry ". Mais elle n’aura jamais l’agrégation de philosophie qui est la voie royale pour l’enseignement. Aussi ne fera-t-elle en philosophie que de brefs remplacements dans des cours privés à Rollin, à Sainte-Marie de Neuilly ou à Reims. En 1939-47, elle sera chargée de cours à l’Ecole pratique des Hautes Etudes, Vème section Histoire des religions, puis elle entrera au CNRS pour traduire du latin médiéval et deviendra Maître de Recherches en 1955. Ce poste lui laissait toute liberté et la délivrait de toute obligation d’enseignement. Elle va en profiter pour beaucoup voyager et faire des tournées de conférences avec l’Alliance française en Europe, Asie, Afrique, USA, Amérique du Sud. Elle sera particulièrement marquée par ses longs séjours en Inde et au Japon. Ses premières publications correspondent à sa carrière de médiéviste, spécialiste du XIIème siècle, avec des traductions des deux " Traités de l’amour de Dieu " de Guillaume de Saint-Thierry, du " Traité de l’amour " de Pierre de Blois et des œuvres de Saint Bernard de Clairvaux, puis avec son " Initiation médiévale " et surtout ses " Essais sur la symbolique romane ". Logiquement elle fréquente les milieux universitaires et de nombreux couvents de religieuses et de moines (Dominicains, Carmes, Chartreux, Camadules …), mais aussi les milieux protestants, puis les orthodoxes russes et l’Institut Saint-Denis (pas les Grecs qui l’énervaient par leur morgue). Mais elle pénètre aussi de nombreux milieux juifs et traduira Scholem, ceux de l’Islam et des Soufis avec Corbin et Massignon, ceux de l’Hindouïsme, du Yoga et des Bouddhistes. Tout ce qui touche de près ou de loin à la spiritualité l’attire et pour elle il y en a finalement plus en Orient que dans le Christianisme. Elle fait très tôt du Judo et pratique du Yoga en 1950 chez Shri Mahesh. " La patrie de mon âme s’avérait orientale . .. Je dois beaucoup à mes séjours en Inde et au Japon" écrit-elle. Comme bien des Catholiques elle est crucifiée par l’aventure des missionnaires partis convertir les infidèles aux Indes et qui finalement ont été eux convertis aux valeurs des Yogis et des swamis hindous. Le salut pour elle se trouvait dans l’aventure du Père Le Saux, devenu swami Abhishiktananda, qui après avoir pleuré et geint dans la terreur sur son apostasie, a finalement découvert le Transpersonnel. Il a compris alors que cela n’avait strictement aucune importance et qu’il ne fallait pas donner de nom et de forme à l’Absolu transpersonnel. Ce qui lui rendu la paix à la fin de sa vie. C’est à l’occasion de la publication de son livre sur " Le passeur entre deux rives " que M-M. s’est rapprochée encore plus de l’Association Française du Transpersonnel, dont elle était membre d’Honneur depuis sa fondation en 1985.
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Sa vie se continue sur ce rythme jusqu’à sa retraite vers 1968. C’est alors qu’elle commence une seconde carrière consacrée non plus à parler des autres mais à faire connaître son aventure intérieure. Cela débute en 1966 avec la parution de la " Connaissance de soi ", un livre encore un peu philosophique, suivi de son maître-livre en 1974 " L’homme intérieur et ses métamorphoses " où elle a ressemblé les textes des conférences qu’elle donnait déjà dans des milieux très divers. Et cela va durer pendant 30 ans de 63 à 93 ans ! Ses livres sur le symbolisme portent sur La Lumière (1976), Le Désert intérieur (1983), L’Oiseau (1992), Les nuages (1995), La Montagne (1996), L’Arbre (1997) … En 1996 elle dirige L’Encyclopédie des Mystiques en 4 tomes. Viennent aussi des ouvrages plus autobiographiques : Un Itinéraire (1977), Traversée en solitaire (1989), Tout est noces (1993), trois romans et des livres de poèmes. De plus elle dirige elle-même deux collections de livres (L’œil). M-M. a vécu deux EMI, Expérience de Mort Imminente. L’une à 63 ans en 1966 à Helsinki. Attendant un taxi dehors par moins 35 degrés, elle s’est réveillée à l’hôpital, après avoir revu sa vie à l’envers et été accueillie par sa mère et ses amis. Le soir elle donnait quand même sa conférence. La seconde fois ce fut dix ans après en Suisse à Genève le 22 avril 1976. Lors de son hospitalisation, elle est passée sur l’autre rive et a vu les visages souriants de sa mère et de son père, ainsi que d’amis et a " éprouvé le sens aigu d’une dimension cosmique ". Désormais elle est prête pour le grand départ et elle peut écrire : " J’ignore comment je vivrai ma mort. A l’avance, je voudrais lui sourire et lui souhaiter la bienvenue … Le franchissement entre les deux rives m’apparaît devoir s’effectuer dans la gravité du silence ". (Traversée, p. 260). En septembre 1987 elle récupère la maison de sa grand-mère où elle va vivre et mourir, tout en gardant sa petite location à Paris au 21 rue Racine, en face de la Sorbonne, où tout est encombré de livres. Tous les membres de sa famille sont morts un à un, " Ainsi je n’ai plus de famille. Je le constate sans en être exagérément affectée. La parenté charnelle m’est assez indifférente. Je ne suis pas attristée par le manque d’enfants ". Elle est plus désolée de ce que le jardin est à l’abandon, les oiseaux partis et que les chasseurs rodent tout autour. Elle meurt le dimanche Premier novembre 1999, soignée par sa fidèle secrétaire. Elle est enterrée selon ses désirs dans le cimetière de Sain-Clémentin avec une pierre tombale qui porte ces seuls mots : " Sois heureux, passant ! ".
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L’éloquence. Dans
une interview
Jean Biès lui demande : « Quel message pensez-vous
apporter ? » et s’attire cette réponse : « J’ai conscience
de n’avoir aucun message à donner, de ne jamais faire de bien à
personne. De
temps à autre, quelque chose filtre à travers moi. Et ce quelque
chose ne m’est
pas imputable » (Paroles de sages p.158). Elle commentait
parfois : «Quand la citerne est pleine, il faut qu’elle
déborde » et
elle ajoutait : « Je sais que cela ne sert à rien, mais je ne
peux
pas m’empêcher de le faire ». Ce qui témoigne d’une grande
humilité ou
d’un certain désespoir. Mais elle aimait aussi citer St. Irénée
de Lyon
« La source a soif d’être bue », et précisait : « si nous
avons soif de la boire, il est impossible de ne pas la
rencontrer ». Et
ceci me paraît être plus indicateur de son type de transmission
paradoxale. L’éloquence. La manière dont M-M. transmettait
« son
message » était plus importante
que
ce qu'elle disait. Et ses discours publics tranchaient sur ses
conversations
privées, assez banales. Pour commencer sa conférence, elle se
levait et ne
parlait que debout (sauf à la fin de sa vie où elle était
fatiguée). Sa voix
rauque et grave surprenait, sa prononciation était singulière.
La mélopée de
ses citations et de son immense culture envoûtaient. Elle avait
un mélange de
ton universitaire et d’onction d’une supérieure de couvent qui
au début
surprenait. Et lorsqu’elle se levait et commençait à parler, on
entendait
l’éloquence pure : elle était inspirée par le Saint-Esprit.
C’était une
parole vraie et profonde, celle d’un être humain qui se mettait
à nu devant
vous. Cela donnait un discours incantatoire qui vous
prenait aux
tripes, vous élevait, vous transmettait son inquiétude. Sa
recherche ne vous
laissait pas indemne et vous obligeait à ne plus vous occuper
que de
l’essentiel. On en sortait troublé et tremblant, souvent
complètement converti
en un instant. Une partie du public ne pouvait retenir ses
larmes au bout de
quelques phrases. Elle communiquait le drame de son
interrogation essentielle
sur son être. Sa
parole transformatrice
instantanée vous élevait vers les hauteurs, car elle
témoignait d’une Présence
Ardente. M-M.
en a révélé
le secret en l’attribuant à Louis Massignon, l’historien du
Soufi Al Hallâj.
“ Il m’a taraudée, bouleversée… Quand il parlait, tout d’un
coup il se
retirait, il s’anéantissait. L’Eternel le traversait. On en
sortait brûlé …
Massignon était brûlé par le soleil de Dieu, irradié par le
soleil de l’Eternel ”. Ainsi en
a-t-il été avec M-M. Davy tous les jours de 1977 à 1993, pour
tous ceux qui ont
eu la très grande chance de l’écouter et de l’aimer. Son style de type monastique était fait de phrases brèves, souvent juxtaposées, avec énormément de citations et de commentaires, dues à son immense culture. Les retours et redites étaient volontaires et envoûtants comme par une sorte de mélopée vibratoire. Le choc était fulgurant et inoubliable pour la vie entière. Elle avait un mélange de ton universitaire et l’onction d’une supérieure de couvent. Et lorsqu’elle se levait et commençait à parler, on entendait l’éloquence pure : elle était inspirée par le Saint-Esprit. C’était une parole vraie et profonde, celle d’un être humain qui se mettait à nu devant vous. Cela donnait un discours incantatoire qui vous prenait aux tripes, vous élevait, vous transmettait son inquiétude. Sa recherche ne vous laissait pas indemne et vous obligeait à ne plus vous occuper que de l’essentiel. On en sortait troublé et tremblant, souvent complètement converti en un instant. Sa parole transformatrice vous élevait vers les hauteurs, car elle témoignait d’une Présence Ardente. --
L’intériorité. L’appel
du désert. Le désert n’est pas un lieu, ni un espace, c’est le fond de nous-mêmes, le fond intemporel, le point d’éternité que chacun porte en lui. Le
silence. La nudité. La liberté. Celui qui répond à l’appel du dedans est devenu libre. Je dois me tenir dans un état de liberté. L’Absolu. La
solitude. J’ai aimé très tôt la solitude. J’ai épousé la solitude comme d’autres prennent un compagnon de route. J’ai une clôture translucide dans un amour partagé avec l’Absolu. Je suis endolorie de solitude. J’aurais souhaité mieux savoir exprimer mon amour pour la solitude, lui prouver ma gratitude, la célébrer sur le mode d’hymnes, de louanges. Elle seule donne accès à la chambre des Trésors. Elle est mon initiateur, mon véritable maître spirituel. Le dépouillement.
L’Homme
de Lumière. Le
Transpersonnel. Après sa
mort, s’est tenu à Paris le 31 janvier 1999, un
Colloque en son hommage.
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MARIE-MADELEINE DAVY
A LIFE TOWARD THE OTHER SHORE
Many people in the Anglo-saxon world know about Simone Weil, considered
by many as an a-confessional mystic.
Mrs Davy was also a modern mystic and a friend of Simone Weil and wrote
a book about her.
Weil died in 1943. Mrs Davy died
in November 1999. Her numerous books and articles became well known in France
at the time of their publication and later in other countries in Europe and
some in South America. But so far it seems she has not been noticed in the English-speaking
world.
My intention is to fill that void. Why? Because some about 30 years ago
a friend of mine told me that M.M. Davy was a sure guide in periods of turmoil.
I then read most of her books published at the time and made sure to buy
everything she subsequently published.
During those years the world evolved and we witnessed the emergence and
establishment of the internet. I searched the net, found many sites about Mrs.
Davy from France and other countries around the world about her but nothing in
English. I did not find any books in English either.
Some weeks ago (November 2012) I checked again. Same results. So I
decided to introduce M.M. Davy to the Anglo-Saxon world.
But surely there are out there many authors from the French world who
have not been presented or translated in English, so why this urge of mine?
Because unlike many oriental or western “gurus” M.M. Davy bears the
marks of a witness of the inner spiritual depth of Man. The many ways in which she presented the exploration of what she called
the “inner desert and also
“the other shore” has resulted in a near impossibility to classify her in well
known categories of intellectuals, East and West.
Before we survey the major themes of her works and some citations from some
of them a short biography is in order.
Marie-M. Davy was born in a
suburb of Paris on September 13, 1903. She spoke of her father, among other
people, as an avid reader and absolutely not a handyman around the house. Her
mother was the daughter of an officer in the French navy. She was not a very
visible person, very devoted to music and painting. Marie-M always seemed to
describe, in an embarrassed way, her mother in fairly negative terms, claiming
that she never paid a compliment to her daughter, constantly saying that she
did not understand how she ended having a child “like that”. This strained
daughter-mother relationship seemed to have a very definite impact on young
Marie-M because her first novel tells of a mother who abandoned her child. And
rather astonishingly Mrs Davy, at 82, wrote another novel with a similar story
where a mother who does not like her child and who sends her away to be raised
by a grandmother, a professor of yoga.
In real life Marie-M mentions that in fact one important adult during
her early years was her paternal grand-mother.
There was also an uncle described as an imposing character, a jurist, a
politician and a socialist, and, apparently extremely talkative about these
three spheres of his life.
On the outer limit but enclosed in the family was Nini, the ever present
and useful servant. Marie-Madeleine had
nothing but praise for her and considered her as one the most important person
of her childhood and later in adolescence.
Marie Madeleine in her biographic books describes various aspects of
life in the family but does not mention any excessive negative or positive
qualities in this well knit system: there was no mention of sex, a mild
interest in the religion of the day, nobody was overly anti-clerical, people played
musical instruments, while some were interested in painting.
About her childhood and adolescence in the familial network she will say
later “I must admit it, my family had become a foreign entity.” And she would
add hastily “my real filial link was with nature.” That attraction and comfort
she found at her grandmother’s estate in the country. She was, in English, a
‘tom-boy’, busy climbing trees, talking to them, eating flowers and spending
most of her time at other “nature” involvements. Nature, she would say often,
was her refuge where she would spend many moments, alone, silent, not moving.
One could assume that these moments were a presage to her future life.
Marie M. lived through the Great War between age 11 and 15 but does not
relate anything of her life during those years.
Apparently her childhood ended then, at 15, when her 20year old sister
died. And in 1919 her grand-mother died and the chateau went to her uncle.
Marie M. did not go back to that place.
She earns a “bac” in 1920 with a high mention in Greek and Latin.
In 1920 she is 18 and enrols at the Sorbonne and decides to live in
Paris, away from her family. This was not an accepted thing at the time and the
family refuses to pay for her studies. Marie M. opts for her freedom with the
burden of faring for herself by part-time work as a tutor for children and
later on, by becoming a secretary to Julien Benda, a well known novelist and
philosopher of that time in France.
For more than twelve years Marie M. will study philosophy and history.
She also studies English, German, Hebrew, and increases her knowledge of Greek
and Latin.
She becomes a protégé of Étienne Gilson who was to become an authority in medieval studies.
Her curiosity and her social amiability resulted in her meeting a
remarkable number of people of the French society of the day. Among them some
names known to the English speaking world: Gaston Bachelard, Jean Wahl,
Vladimir Jankélévitch. Some she knew better: Alain, Paul Valéry, François
Mauriac, André Gide, Pierre Theilhard de Chardin, Carl-Gustav Jung, Henri
Corbin, Monsignor Jean Daniélou, Louis Massignon, Georges Gurdjieff, Krishna
Menon, Lanza del Vasto, Jacques Lacan, Mircea Eliade, Emmanuel Mounier, Paul
Ricoeur.
But she did not know Henri bergson, René Guénon nor Jean-Paul Sartre.
These numerous people Marie M.
knew and met in various degrees and forms. There were others she knew quite
well and who, she said, inspired her. They were among others, Simone Weil,
Gabriel Marcel and Nicolas Berdiaev. She acknowledged their influence and
friendships by writing books about their life and works.
She also knew some well known women. A few names: Clara Malraux, Véra
Daumal, and Raïssa Maritain.
Her thirst for knowledge led her
to various places in the world through student exchanges. She thus visited
Germany, the USA, the Netherlands, Norway and some eastern European countries.
She also became assistant at the Institut français de Berlin, at Manchester
University and at Bedford College in London where she stayed for a fairly long
period.
From philosophy to theology. This next phase of her quest was instigated
by Étienne Gilson who convinced her to enrol
at the Institut Catholique de Paris. This was, in her words, a most
terrible ordeal. She was the only women among the students. She was asked to
sit in the most remote corner of the last sections of the auditorium, as far
away as possible from the lecturer’s podium. At the end of her successful
studies in this institute in 1941 she asked for a meeting with its director
with the hope of having the courses she had audited credited for the final
degree. She was refused this request as well as having been treated “as a mere
women” by the rector of the institute. She did not press her cause because she did not care much for a
theology she considered without soul, without spirit, far away from
spirituality and interiority which were her major if not her only motifs for
inspiration.
She did, however, earn a doctorate in protestant theology, a feat she
was always rather silent about.
After this period as a student she became more and more interested the
Russian orthodoxy. At one point she was tempted by a conversion into that
faith.
She then began her career as a lecturer. It was noted that she never
spoke about the Virgin Mary or Jesus, and she never wrote anything about them:
she did not follow the dictates of the then accepted forms and norms, she was
centered on the divine essence or the Absolute.