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ARTICLES
D'ACTUALITÉ
PERSONNE, IMPERSONNEL ET TRANSPERSONNEL
chez Jacques VIGNE -
Marc Alain Descamps
- Voyage entre les lignes du monde - Myriam Jolinon
LES
VARIETES DE L'EXPERIENCE
TRANSPERSONNELLE - (1)
Par
Lucien ALFILLE
INTRODUCTION :
Il faut disposer d'une étrange
dose de suffisance ou bien etre réellement très
inconscient des difficultés, pour vouloir aborder dans
une conférence, un sujet aussi vaste que celui du titre
de cet exposé : "Les Variétés de
l'Expérience transpersonnelle ..."
Les matériaux utilisés
dans cet éxposé, sont tirés des travaux
de la 1ère Commission de l'A.F.T. " Vécu
des expériences transpersonnelles ". Un essai
de synthèse sur le Vécu de l'expérience
transpersonnelle, éxposé au Colloque de l'A.F.T.
le 08/12/1985, était basé sur 8 mois de travaux
de cette Commission, a et paru dans l'ouvrage "Qu'est-ce
que le Transpersonnel " (Editions Trismégiste
Nov.1987).
A cette époque nous avions
tenté un classement (naturellement un peu arbitraire)
en expériences, provoquées soit avec , soit
sans le concours technique d'une Voie Traditionnelle, en expériences
spontanées, cataloguées en expériences
agréables et expériences désagréables,
et essai sommaire d'analyse des caractéristiques de
ces expériences.
La Commission a poursuivi ses travaux , et le volume et la
variété des matériaux recueillis a considérablement
augmenté.
Le concept de transpersonnel (et
surtout naturellement le vécu de ce type d'expérience)
éclaire d'un jour particulièrement fécond
un ensemble très varié de phénomènes
présentés par les expérimentateurs, et
permet ainsi de faire apparaitre une sorte d'unité
sous jacente à cette extraordinaire, merveilleuse et
surprenante danse de cette "chose" (entre guillemets,
et avec le plus profond respect pour cet Inconnaissable) que
nous appellons la conscience humaine, depuis les abimes de
douleur, rencontrées dans la déréliction
par les pensionnaires des hopitaux psychiatriques, jusqu'aux
cimes sublimes décrites par les poètes et mystiques
des diverses Traditions, et dont vous trouverez quelques extraits
d'expérimentateurs favorisés de la Commission.
Le plan sera le suivant , avec une
certaine dose d'arbitraire naturellement :
I- Expériences
transpersonnelles relevant "relativement" commodément
du cadre de lecture psychologique .
Marc-Alain DESCAMPS, dans sa présentation vous a dit
que toute cette série de phénomènes (rêves
prémonitoires, lecture de pensée, phénomènes
dits hallucinatoires, visuels ou auditifs,etc...) étaient
pour lui des phénomènes interpersonnels, mais
encore faudrait-il examiner les éventuels mécanismes
mis en jeu.
II- Dans
un cadre particulier, nous pouvons exposer le problème
des phénomènes de "guérisseur",
et les répercutions psychologiques et spirituelles
de ce type de phénomènes.
III- A
partir de là, nous pouvons avec toutes les précautions
possibles quant à la validité des hypothèses
envisagées, essayer d'expliciter certains mécanismes
mis en jeu. Nous parlerons ici, de la notion d'Etat d'Etre
et de la notion bien complexe d'Energie, ainsi que des problèmes
consécutifs a la "projection du refoulé".
IV- Enfin
j'exposerai des expériences transpersonnelles qui relèvent
du cadre de lecture " spirituel " ( visions d'êtres,
plénitude, amour universel, paix, compassion, etc...)
ainsi que cet accès a l'Inneffable dans les expériences
de la vacuité.
I- EXPERIENCES RELEVANT DU CADRE
DE LECTURE PSYCHOLOGIQUE
Les expérimentateurs sortent du cadre
du système standard spatio-temporel dans lequel nous
sommes immergés ,et disons le, bien imbibés,
avec lequel nous fonctionnons dans notre état de conscience
courant ; il est vrai que l'on ne sort pas de ce système
sans certains risques. Les expériences sont très
fascinantes, et elles comportent un grand nombre de dangers,
dont celui du décrochage du " réel ",
c'est a dire du monde construit par notre société
pour son fonctionnement satisfaisant, avec les échanges
codifiés courants intrapersonnels et interpersonnels.
Beaucoup de jeunes, et de moins jeunes aussi,
peuvent être tentés par les expériences
du type "sortie hors du corps",par exemple, qui
peuvent présenter des risques de destructuration. En
effet, nous sommes ici et maintenant, en 1987, à l'Institut
Karma Ling, en France, dans une culture déterminée,
et on ne décroche pas de cet espace-temps sans de sérieuses
précautions.
I-1) Expériences prémonitoires
:
I-1.a) Prévision de sujets d'examen
"... J'avais 20 ans, étudiante en
2ème année de Science Po. Il y avait deux épreuves
en Septembre : Droit Administratif et une épreuve tirée
au sort sur 3 sujets.
A l'état d'éveil en Juillet, j'ai eu la révélation
des sujets :
Institutions Juridictionnelles et Cour de Cassation !
Je pense avoir été aidée par je ne sais
qu'elle instance, mais ce que je peux dire de mes sentiments
à cette période, c'est que j'étais dans
un état de grande détresse morale avec l'impression
d'être vide..."
I-1.b) Rève prémonitoire
"... Je rève que je conduis ma voiture
et que je suis blessée au bras dans un accident.
Un peu impressionnée par cela, j'évite le lendemain
de prendre ma voiture, et alors pour me déplacer je
prends un taxi ; il se produit alors un accident léger
de la circulation et je me retrouve avec le bras blessé..."
A partir du grand nombre d'expériences
enregistrées de ce type, les expérimentateurs
signalent que très souvent, l'information leur est
fournie par un système de sensations/perceptions où
la sensibilité corporelle est mise en jeu de facon
peu courante ; elle semble particulièrement exacerbée
et affinée par rapport au vécu courant, et les
expérimentateurs soulignent souvent qu'ils "sentent
quelque chose dans leur corps" ou parlent de "vécu
dans le corps". Ce n'est pas intellectuel, ce n'est pas
une pensée. Il s'agit d'une "intuition spéciale
au corps", dont nous donnons ci dessous deux exemples
:
I-1.c) Sensation brutale de refroidissement
de la température du corps :
"... un après midi, mon corps
brusquement est devenu tout glacé, figé et immobile,
et je me demandais ce qui m'arrivait... j'ai ensuite appris
qu'au même moment, mon frère venait de décéder
à l'étranger..."
I-1.d) Sensation d'énorme pesanteur
du corps :
"... j'étais restée
dans le chalet le matin ,isolée, et ne pouvais me lever
pour faire l'excursion avec mes enfants. Ne pouvant presque
pas bouger, mon corps pesait des tonnes !!, et j'ai su alors
qu'il y aurait un accident.Je me suis dit : c'est surement
un accident de mon fils, et j'avais très peur. A 15
heures, j'ai finalement réussi à me lever et
suis sortie du chalet et ai fait une petite promenade ; quand
je suis revenue détendue, et ayant oublié ma
peur, j'ai vu en rentrant mon fils qui m'a informé
de l'accident de mon beau-fils..."
Dans le meme esprit, nous disposons de
nombreux rapports d'expérimentateurs qui signalent
entrer en relation avec des personnes face a eux, connues
ou inconnues d'eux, et de percevoir toujours par ce biais
subtil du corps, des informations souvent gardées secrètes
par ces personnes au niveau de leur profonde intimité.
C'est comme si les expérimentateurs mettaient a nu
la psyché des personnes, et ces informations , en général
bien enfouies dans l'ombre, font toujours un grand effet sur
ces dernières.
Ces expérimentateurs parlent "
d'intuition dans le corps " ou
" d'intuition imposée
comme une évidence..."
I-2) Expériences de sortie hors du corps
:
Il s'agit souvent d'expériences obtenues
soit volontairement, soit involontairement par des expérimentateurs
dans le domaine crépusculaire qui est situé
a mi-chemin entre l'état de veille standard et l'état
de sommeil ( états hypnagogiques et hypnopompiques
).
I-2.a) Expériences de vision volontaire
a distance :
"... Je peux me mettre en état ,
et faire une sortie hors de mon corps. Je peux ainsi, par
exemple, voir mon courrier tel qu'il est placé dans
ma corbeille sur mon bureau, à 100 kilomètres
de distance, et quand j'arrive, je peux vérifier que
c'est bien cela (caractéristiques et dimensions des
enveloppes, effigies particulières des timbres venant
de l'étranger, etc...). Par contre je ne peux pas manoeuvrer,
ni operer sur les objets..."
Nous noterons que l'absence d'interaction matérielle
volontaire reste pratiquement le cas le plus fréquent
de ce type d'expérience. Toutefois, quelques rares
cas signalent la possibilité non seulement de vision
et audition a distance, mais d'actions, et qui posent de sérieux
problèmes, dont l'analyse sort du cadre de cet éxposé.
I-2.b) Expérience inopinée de sortie
hors du corps :
"... Mes premières expériences
datent de l'age de 16-17 ans. J'ai vécu dans les Vosges
durant la dernière guerre, et couché de bonne
heure (il n'y avait pas grand chose a faire) j'étais
en train de rêvasser dans mon lit, et la première
image mentale bloquée, c'est que je me suis vu debout
a coté du lit ;j'etais dans une grande joie, et j'ai
poussé des cris et chants, mais j'ai vu une zône
noire a côté, j'ai eu peur et me suis reveillé.
Je n'en ai pas parlé a mes parents car ils n'avaient
rien entendu et ensuite tous les soirs, j'ai eu ces répétitions
d'expériences, et je pensais que je devais être
fou. C'est la première fois depuis près de quarante
ans que j'ose en parler..."
Il est vrai que dans notre société,
nous n'avons pas de structures d'accueil pour ces catégories
d'expériences , et très souvent, c'est la grille
de lecture psychiatrique qui vient se plaquer dessus.
L'expérience tant personnelle que celle acquise depuis
3 ans par les échanges dans la Commission, m'ont montré
que si ce genre de vécus est pris au départ
par quelqu'un capable de ramener ces vécus extrêmement
chargés d'affects a leur vraie échelle, le risque
de dérapage est extrêmement réduit.
I-3) Expériences de transfert d'angoisse
:
En effet, la personne faisant ce genre d'expériences
précédentes, se trouve dans la majorité
des cas que nous connaissons, sous une charge d'affects (en
général d'angoisse) épouvantable, et
si elles en parlent, cette angoisse entraine des échos
puissants dans l'entourage. Ce dernier va se protéger
en renvoyant sa propre angoisse sur ce pauvre paratonnerre,
qui a déja bien du mal à supporter la sienne,
et qui va alors sombrer et être catalogué sur
le mode de la "folie", et alors entrer dans le circuit
malheureusement bien codifié du système psychiatrique...
Il n'est pas question ici, pour ma part, de nier
la réalité de la "vraie folie", c'est
a dire de l'impossibilité de négocier et d'ajuster
ses échanges avec le milieu ambiant, mais ce que je
voudrai souligner, c'est que dans de nombreux cas, la personne
dans cet état, qui est en difficulté existentielle
sérieuse, et donc a particulièrement besoin
d'un soutien ou appui du groupe, se trouve en général
dans notre culture, rejetée, classée dans l'aliénation,
avec une surcharge d'anxiété, qui ne fait qu'accentuer
son déséquilibre.
En effet, j'ai rencontré des personnes
qui ont présenté des vécus particulièrement
perturbants, par exemple du type du démembrement, dissociations
corporelles, engloutissements analogues au récit biblique
de Jonas avalé par la baleine, etc...qui auraient été
classés, s'ils s'en étaient ouverts a leur entourage,
dans la nosographie psychiatrique lourde sans l'ombre d'un
doute ... Ce que je puis attester actuellement, c'est que
leurs qualités morales, l'aisance de leur comportement
relationnel, me font penser qu'ils sont très probablement
en meilleure santé mentale que moi même ou que
la plupart des personnes considérées comme normales.
I-3.a) Expérience de dégagement
d'angoisse :
A titre d'exemple , illustrant particulièrement
bien ces problèmes de transfert, le vécu suivant
rapporté par un membre de la Commission :
"... Un soir, vers 23 heures, on sonne
a ma porte et je vois devant moi un ancien collègue
de travail, que je rencontre maintenant une ou deux fois par
an. Je suis assez surpris, car il ne m'avait pas prévenu
de sa visite, et une très forte angoisse émanait
de sa personne. Il me dit que cela faisait 4 nuits qu'il n'arrivait
pas à dormir, et qu'il était au bout du rouleau,
et qu'il ne savait pas ce qui allait arriver... J'étais
bien embété et encombré par cela , ne
sachant que faire, et me disant : " il n'y a qu'a moi
que ces choses arrivent "; mais ne pouvant me résoudre
à le renvoyer ( non assistance a personne en danger
!). J'ai donc prévenu l'épouse qui était
dans la panique, que je ne coucherai pas avec elle ce soir,
et que nous dormirions, mon camarade et moi, dans une pièce
où il y avait un lit d'une place et un canapé.
Nous nous sommes installés chacun sur
notre couche, et il a longuement parlé... Ce devait
être vers deux heures du matin quand je lui ai proposé
d'éteindre la lumière, mais nous avons continué
à parler, lui me racontant des tas de choses, dont
je ne voyais pas bien l'enchainement avec sa situation présente.
Enfin, j'étais tellement épuisé, que
je lui ai proposé d'essayer de dormir. Au bout d'un
quart d'heure à vingt minutes, sa respiration était
régulière, et je savais ( mais je ne sais comment
) qu'il dormait enfin, et moi je n'ai pas fermé l'oeil
de la nuit. C'est ridicule à dire, car cela n'a pas
de sens, mais j'ai passé ma nuit à me battre
contre je ne sais quoi ! Le matin , quand il s'est réveillé,
frais et dispos, il a pris un bon petit dejeuner, m'a donné
une grande claque dans le dos en me disant : " Salut
mon vieux, à un de ces jours !" et il est parti
à son travail, et moi j'avais des cernes sous les yeux
qui me descendaient au milieu des joues...Le plus terrible
de l'affaire, c'est que cela m'a valu encore deux autres nuits
blanches (mais sans combat)..."
Le commentaire de cet expérimentateur
sur son vécu, au niveau psychologique peut être
résumé ainsi :
...Nous disposons d'une structure psychique
fonctionnelle analogue à celle de notre fonction digestive
qui nous permet de métaboliser des expériences
fortement chargées.
Cet ami a dû réveiller chez moi des perturbations
analogues aux siennes, bien enfouies dans mes profondeurs.
Le malaise qui m'a saisi, et la pointe d'angoisse conséquente
auraient pu être plus importants, et alors je l'aurai
rejeté, et il serait reparti avec une panique plus
grande, car je lui aurai renvoyé ses difficultés
avec les miennes en plus (cela s'appelle vomir dans le schéma
digestif . En réalité, cela m'est resté
sur l'estomac, comme une indigestion, et il m'a fallu trois
nuits blanches pour finir par digerer cela, c'est à
dire métaboliser mes propres perturbations et les siennes...
Ce camarade pour sa part, a transféré sa perturbation
dans un receptacle accueillant de ma psyché, et je
l'en ai réellement débarrassé ; Il a
pu retrouver ainsi son équilibre normal ou courant...
Ce commentaire éclaire d'un jour particulier
les mécanismes de guérison dont nous parlerons
plus loin. En effet, l'expérimentateur poursuit ainsi
sa déclaration :
"... Nous ne pouvons " prendre "
la perturbation de l'autre que si nous savons la digérer...
Les attitudes de défense sont très simples :
soit s'enfuir, soit regarder l'autre avec des " yeux
d'entomologiste ", c'est à dire comme quelqu'un
d'étranger, que l'on regarde vivre sa souffrance, comme
on regarderait des fourmis ou des abeilles operer. Cela ,
c'est l'équivalent "lèvres et dents serrées"
devant cette drôle de nourriture, soit se laisser aller
à avaler la perturbation, et alors trois cas se présentent
:
a) le rejet
violent avec en plus notre perturbation personnelle renvoyée
( tu es fou ! ca ne va pas ! etc...) qui correspond au vomissement
;
b) l'indigestion,
où l'on garde cela sur l'estomac, et il y a malaise
jusqu'a la métabolisation...
c) la digestion
pure et simple, qui fait qu'il y a accueil et dégagement
de l'autre, sans que l'on puisse même s'en apercevoir,
tellement cela est "naturel"..."
I-4) Etats de disparition ou d'absence :
"...Quand j'étais enfant et que
je jouais à cache-cache, j'avais trouvé un truc
qui faisait que mes camarades de jeu ne me trouvaient pas.
Ils passaient à côté de moi tout en me
cherchant avec attention, sans me voir. Je pouvais aussi me
rendre invisible aux yeux des autres...
Plus tard, j'ai utilisé cet état pour m'approcher
très près d'animaux sauvages, et rester ainsi
à quelques mètres d'eux ( lièvres, biches,
cerfs,etc..) à les regarder vivre et évoluer
sans qu'ils detectent en aucune façon ma présence...
Alors que si j'arrive comme tout le monde, dans mon état
normal, je suis repéré à plusieurs centaines
de mètres et ces animaux s'enfuient..."
I-5) Expériences du type hallucinatoire
:
C'est un genre d'expérience relativement
fréquent vu le nombre important de rapports enregistrés
dans la Commission. Les expériences par ordre de fréquence
croissante sont centrées sur l'olfaction,l'audition,
et enfin la vision.
Nous n'illustrerons ce type d'expérience que dans le
domaine de la vision, fonction qui est nettement plus développée
dans notre culture, et qui nous permettra de mieux saisir
et exprimer les nuances.
Tout d'abord, il s'agit de phénomènes qui pourraient
être classés médicalement sous le terme
" hallucinose ", c'est a dire que l'expérimentateur
qui "voit" devant lui des "êtres ou des
objets", les identifie comme un phénomène
anormal au moment de leur survenue, c'est à dire qu'il
y a chez l'expérimentateur en même temps ou très
peu de temps après, conscience de l'existence du monde
courant ordinaire.
Nous n'exploiterons pas ici les "visions" de formes
"lumineuses", "irradiantes", "êtres
de lumière", "anges",etc..., qui toutes
en général, relèvent du domaine du "spirituel",
en ce sens qu'elles sont toutes accompagnées de sensations/sentiments
de haute valeur morales, ayant des répercussions flagrantes
sur le comportement des expérimentateurs, dans une
adaptation à la vie ordinaire courante, pleine de compréhension
et de sentiments d'amour pour tous les êtres, sans exception.
La caractéristique principale des expériences
réside dans la très forte charge dans le domaine
des affects,et ces charges émotionnelles contiennent
des éléments "énergétiques"
colossaux.
Dans ce domaine en effet, l'éducation
pronée dans notre culture, ne nous apprend pas à
reconnaitre, apprivoiser et controler ces " très
fortes charges énergétiques", et cela est
très facilement vérifiable pour les domaines
courants, connus de tous, comme la peur, la colère,
l'anxiété, l'angoisse, la dépression,
les attaques de panique, etc.... Il en est de même pour
la compréhension "vécue" du mécanisme
de fonctionnement de notre conscience ...
Alors que dans les domaines scientifiques et techniques, et
là l'ingénieur que je suis peut en parler en
connaissance de cause, il y aura transmission d'un énorme
bagage de savoirs et de "savoir-faire" tout à
fait extraordinaire, tant par son raffinement que par son
adéquation opératoire, tandis que pour le b-a,
ba du monde du sujet, pour ce qui va conditionner son bonheur,
sa joie de vivre,etc..,chacun se débrouille tout seul,
et que dans ce domaine c'est "chacun pour soi et Dieu
pour tous..."
Il y a lieu de noter que ce "monde du sujet" n'est
toujours abordé dans notre culture que par sa facette
de perturbation, qui oblige à l'examiner uniquement
que parce que notre vie devient impossible à vivre,alors
qu'il pourrait être abordé de facon plus positive,
dans un sens d'épanouissement de la personne.
Le rapport suivant permet de se rendre compte de la complexité
du monde abordé :
I-5.a) Expérience de tentative de maitrise
d'une " vision " :
... Je suis seul chez moi en train de vaquer
à mes occupations habituelles, et soudain en passant
devant la porte de ma chambre à coucher, je vois dans
la pénombre une forme humaine debout à la tête
de mon lit ; je reviens sur mes pas pour m'assurer qu'il s'agit
d'une illusion, et à ma grande peur, il y a bien une
personne que je n'identifie pas , debout a la tête de
mon lit a ma droite. La première pensée qui
me vient a l'esprit, c'est qu'il s'agit d'une hallucination
visuelle, et alors j'utilise la procédure déja
mise au point... Je ferme les yeux et tout disparait, la chambre
et l'homme, alors que si c'était une hallucination,
je verrais probablement toujours la forme persister les yeux
fermés. Je les rouvre, et l'image première reste
stable. Je la reprend encore 2 ou 3 fois, car dans certains
cas l'image " anormale " vue peut disparaitre, mais
dans ce cas tout reste identique... Alors je commence a utiliser
le critère de la vision binoculaire, c'est à
dire suivre le déplacement de l'objet dans le champ
de vision ordinaire, en fermant un oeil puis l'autre, et l'homme
inconnu se positionne en parfaite cohérence avec le
reste des objets... La peur commence à me saisir, et
j'ai envie de m'enfuir : Est-ce un ami ou un ennemi ? Je finis
par pencher vers la solution suivante : il s'agit d'une hallucination
visuelle et je vais alors me le démontrer en passant
mon bras au travers, et ainsi j'aurai la preuve qu'il s'agit
bien d'une construction immatérielle.
J'arrive a vaincre ma crainte, et tout d'un coup
ma décision est prise, et cela part comme si ça
sortait de mon ventre...Je me précipite vers cet homme,
et je balançe mon bras droit à l'horizontale
pour balayer l'espace au travers de cette "forme humaine",
sùr de ce qui va se passer, c'est a dire que mon bras
va traverser cela comme dans du vide...
Ma main arrive au niveau de l'épaule et claquement
l'arrête en plein élan. Je suis stupéfait,
elle s'est arrêtée contre un "vrai"
bras en cohérence avec ma vision...
Je commence à avoir très peur, et n'ose regarder
son visage; Je saisis ses deux poignets avec mes mains pour
les immobiliser, et l'empêcher de me faire du mal..."
Cette expérience illustre très
bien l'énorme difficulté qui se présente
pour aborder le contrôle de ce "Monde du Semblable"
('Alam al' Mithal) si bien décrit par les mystiques,
et en particulier dans la mystique Soufi, par Sohrawardi.
II - PROBLEMES POSES PAR LA FONCTION "GUERISSEUR
"
De nombreux cas ont été exposés
dans la Commission sur cette fonction thérapeutique
très bizarre, qui n'entre pas dans le cadre des connaissances
de la médecine courante.
Les caractéristiques de cette fonction sont en général
fournies et expliquées par une "croyance"
du type religieux et de nombreux guérisseurs avaient
le "don" transmis par leurs
ascendants soit qu'ils "savaient cela" dès
leur jeune âge...
Pour d'autres, bien moins nombreux, ces phénomènes
étaient apparus de façon inopinée, comme
si cela "leur était tombé sur la tête"
à un moment donné de leur vie, et très
souvent hors de leur champ d'intérêt courant.
Nous allons expliciter quelques unes de ces expériences
qui vont nous permettre d'explorer ce champ peu commun. Nous
nous attacherons, car les préjugés sont beaucoup
plus réduits, au cas d'expérimentateurs qui
brusquement se mettent à soigner sans bien comprendre
les gestes qu'ils accomplissent, mais qui s'avèrent
être particulièrement justes et efficaces. Les
maux de tête de quelque type que ce soit ( migraines,
migraines ophtalmiques, douleurs consécutives a un
zona facial, etc...) périarthrites scapulo-humérales,
maux de ventre, de dos, etc... tout cela disparaissait en
quelques minutes, même si ces déséquilibres
étaient chroniques ( 6 mois, 1 an, 5 ans ou 15 ans
! ).
Un des mécanismes explicatifs de ces phénomènes
pourrait être la suggestion du guérisseur, ou
l'auto-suggestion du patient, entrant dans la catégorie
des maladies ou perturbations d'ordre psycho-somatiques, mettant
en cause des caractères du type "hypnotique"
ou "hystérique", passablement bien travaillés
depuis le début de notre siècle.
On peut aussi penser à des mécanismes "
d'anesthésie" de la douleur ( par création
d'endorphines, par exemple).
Nous allons citer deux rapports de transfert de perturbation
patient/expérimentateur, qui permettront dans notre
troisième chapitre, de tenter d'avoir une meilleure
idée des
mécanismes mis en jeu dans ces phénomènes.
II-1) Expérience de suppression et transfert
de maux de tête
"... "J'enlevais" les maux
de tête avec beaucoup de facilité, et j'ai du
rencontrer 1 ou 2 échecs sur au moins 200 cas...
Ce qui m'a frappé au bout d'un
certain temps, c'est qu'après avoir opéré,
je me trouvais avoir moi-même un mal de tête identique
à celui du patient, qui passait au bout d'une heure
ou deux... Je me disais que je devais m'auto-suggestionner,
car en effet, les patients m'informaient de l'endroit où
ils avaient mal à leur tête, et c'est vrai qu'au
moment d'opèrer, je sentais légèrement
cette douleur qui après s'emplifiait un peu.
Un jour , une collègue de travail
me demande si elle pouvait apprendre à faire cela,
car son mari était souvent sujet aux maux de tête...
Je lui ai dit que c'était à la portée
de tout le monde, et je suis allé dans son bureau pour
lui montrer comment j'opérais. J'ai fait la démonstration
sur elle, tout en la commentant, et à un moment j'ai
senti sous mon pouce le signal du dégagement habituel
d'un mal de tête... Je lui ai alors demandé si
elle avait mal à la tête, et elle m'a dit : absolument
pas ! et je suis alors retourné dans mon bureau une
centaine de mètres plus loin...
Au moment d'introduire la clé dans
la serrure de ma porte, je sens brutalement une barre en travers
sur le milieu du crâne, et furieux contre la collègue
(car à cette époque je pouvais m'éviter
cela en me passant tout de suite après les avant-bras
sous l'eau froide) Je retourne a son bureau pour la tancer
vertement. j'entre dans son bureau en colère, et je
l'interpelle en lui montrant la barre sur mon cràne,
et elle me dit: excuse moi, mais j'ai complètement
oublié ! Cela m'arrive une ou deux fois par an d'avoir
ce genre de mal de tête très violent, et je l'ai
eu hier et c'était parti en prenant deux ou trois comprimés
d'Optalidon, et je t'assure ne plus y avoir pensé quand
tu m'as interrogé...Il est bien clair dans cette expérience,
que je ne pouvais pas m'auto-suggestionner puisque je n'était
pas conscient de son mal de tête..."
II-2) Expérience de suppression et transfert
d'eczema
"... J'ai recu d'un paysan de province
croisé par hasard dans un café parisien, un
cahier de formules pour guérir toutes sortes de maladies
de bêtes et de personnes, qui consistait pour chacune
des maladies à exécuter un rituel de gestes
et de paroles sans beaucoup de sens . Ces formules s'appellent
dans les campagnes " pansements ". J'ai eu à
utiliser un pansement pour un eczéma qui couvrait tout
le corps d'une jeune femme depuis sept ans, et qui avait épuisé
les ressources médicales et même de guérisseurs.
J'avoue n'y avoir pas trop cru, car les formules étaient,disons
le mot, " débiles "... et tout cela me paraissait
un peu fou.
N'empêche que 2 à 3 semaines après,
l'eczéma de cette personne était parti (J'ai
pu constater la netteté de sa peau ) mais moi, je me
retrouvais avec trois taches d'eczéma sur la poitrine,
et j'ai su alors ce que pouvait être le calvaire de
cette jeune femme, moi qui n'avais jamais rien eu de ce genre.C'est
réellement insupportable. On a envie de s'arracher
la peau !!..."
Nous avons là un exemple type d'un transfert
d'ordre physiologique, et cela pose quand même problème
...
II-3) Expérience de suppression de maux
de dents
"...Je soignais souvent les maux
de dents le vendredi,car il est très difficile de trouver
son dentiste travaillant en fin de semaine.
Notons que la bouche est très chargée d'affects
et que la perspective de vivre une rage de dents ou d'aller
chez le dentiste de service ou à l'hopital n'est pas
du goût de tout un chacun.
Un midi, l'on conduit chez moi une jeune femme qui avait un
bel abcès qui lui faisait une grosse "chique"
à la joue, et horriblement souffrir.Ses camarades ne
pouvaient la laisser seule puisque c'était l'heure
du repas...
Depuis le matin on lui avait "seriné" mes
talents, mais elle disait que ca ne marcherait pas parcequ'elle
n'y croyait pas.
Je lui ai dit que moi-même je n'y croyais pas, dans
le sens que je ne comprenais rien à ce qui se passait,
mais que l'expérience montrait un réel soulagement.
Alors , ca ne coutait pas grand chose d'essayer...
Elle m'a demandé ce que j'allais lui faire, et je lui
ai dit que j'allais l'assoir sur une chaise, lui demander
d'ouvrir la bouche et que je poserai une fraction de seconde
mon index sur la dent incriminée, et que je ne lui
ferai en aucun cas du mal.Pour l'instant, j'allais me laver
les mains, et je la retrouverai dans son bureau.
Ce qui fut fait, et quand j'ai posé mon doigt au bon
endroit dans sa bouche, cela a fait " spling " et
je savais que c'était terminé. Elle avait ainsi
deux à trois jours de répit pour aller se faire
soigner chez son dentiste ...
Je vous passe la surprise de la patiente qui n'en revenait
pas en se tâtant la joue et la machoire, et comme il
y avait plusieurs femmes dans le bureau, j'ai un peu "
roulé les mécaniques" et me suis dirigé
vers les lavabos pour me laver.
Juste en entrant dans les toilettes, un collègue en
sort et dit avec un air de dégout en me voyant :"
berk !" Comment peux tu faire cela ? J'ai alors suivi
son regard qui était dirigé vers ma main droite,
les avant-bras étaient nus, les manches retroussées
et j'ai vu, c'est a dire pris conscience de la salive et du
pus sur mon index qui dégoulinait vers ma paume.
J'ai mis un certain temps à réaliser que c'était
dégoutant, dans le sens que cette sensation/sentiment
m'est advenu presque au ralenti, et pourtant je voyais bien
le pus et la salive, et quand je me suis lavé les mains,
j'avais très nettement cette impression de dégout...
Cela m'a fait penser qu'avant la remarque de mon collègue,
le pus et la salive sur ma main ne m'étaient pas étrangers;
c'était comme s'ils étaient miens..."
Nous voyons dans ce rapport se profiler la notion
d'état du guérisseur, qui va nous introduire
ainsi à la tentative d'explication des phénomènes
décrits.
Une dernière observation faite sur l'ensemble des guérisseurs
approchés, tant dans la Commission qu'au dehors, consiste
en ce fait que tous , sans exception, ( qu'ils soient aussi
chamans de diverses Traditions : Afrique, Tibet, Indiens d'Amérique,
etc...) se disent "canaux", "intermédiaires",
"intercesseurs", de la "Puissance agissante
" quelle qu'elle soit !
III- TENTATIVE D'EXPLICATION DES MECANISMES
MIS EN JEU
A partir des matériaux sélectionnés
dans les expériences transpersonnelles relevant du
cadre de lecture du type psychologique et celle des guérisseurs,
nous pouvons , avec toutes les précautions d'usage
dans ce domaine délicat, tenter de formuler un certain
nombre d'hypothèses explicatives.
Afin d'introduire la notion d'état de
conscience d'être, nous allons faire appel a des observations
rapportant des états labiles du Moi, tels qu'observés
au début de ce siècle par beaucoup d'ethnographes
(2) qui décrivent de nombreux états, tels que
"latah" chez les Malais, ou "olon" chez
les Toungouses, par exemple.
Dans ces états, l'indigène perd
durant des périodes plus ou moins longues et à
des degrés divers, l'unité de sa propre personne
et l'autonomie de son Moi, et par voie de conséquence,
le controle de ses actes.
Ces états apparaissent à l'occasion
d'une émotion forte ou d'une surprise violente. Cet
état est répertorié dans notre système
par l'échokinésie ou l'écholalie ; l'individu
placé dans cet état, va être exposé
à toutes les suggestions possibles se présentant
à lui au moment du passage, et s'identifier à
l'être ou aux choses, qu'il s'efforce d'imiter passivement.
Ceci conduit par exemple, à un jeu de société
dans lequel le groupe décide de faire entrer une personne
à son insu dans cet état, pour "l'oloniser"
à table devant un partenaire, qui va faire semblant
de se remplir la bouche de mil à grande cadence, de
telle sorte que l'autre, qui imite tous ses gestes, réellement,
va s'étrangler et s'étouffer , à la grande
joie de groupe.
Nous ne pouvons faire mieux que de citer ici
l'analyse de l'état "Olon" faite par Ernesto
de Martino (3) dans son ouvrage " Il Mondo Magico "
publié en 1948 .
"...Tout se passe comme si une présence
fragile, non assurée, labile, ne résistait pas
au choc que produit tel contenu émotionnant, ne trouvait
pas assez d'énergie pour se maintenir face à
celui ci, en le récupérant, en le désignant
et en le maitrisant au sein d'un réseau de rapports
définis. De la sorte, le contenu est perdu en tant
que contenu d'une conscience présente. La présence
tend à rester polarisée sur un certain contenu
; elle ne parvient pas à aller au-delà, et par
conséquent, elle disparait et elle abdique en tant
que présence. La distinction s'écroule entre
la présence et le monde qui se rend présent
(3b) : au lieu d'entendre et de voir le bruissement des feuilles
, le sujet devient un arbre dont les feuilles s'agitent au
vent; au lieu d'entendre un mot, il devient le mot qu'il entend,
etc...Par carence de toute fonction discriminante, le contenu
de la présence manque de toute discrimination interne,
c'est une représentation qui de peut s'empêcher
de devenir un acte (3b)..."
Nous devons noter ici que ces mécanismes
existent aussi en nous, même dans notre culture, où
la consolidation d'un Moi bien structuré par le monde
des objets est la règle courante. Mais qui n'a souvenir
de ces jeux d'enfants où l'on se cache pour faire peur
à l'autre, en surgissant brutalement de derrière
une porte ou de l'ombre...Qui de nous ne se souvient de cet
arrêt de la conscience du monde, en état d'inspiration
bloquée, qui très rapidement se résolvait
par la reprise du cours des choses, avec le "Ouf! tu
m'as fait peur..."
Qui de nous n'a vu malheureusement " l'état second
" des personnes prises dans des accidents de la circulation,
ou dans les films réalisés lors de catastrophes
naturelles majeures comme un tremblement de terre, et où,
dans l'incapacité où elles sont à assumer
consciemment la tragédie qui est arrivée aux
êtres qui leur sont chers, errent tels des automates
les yeux hagards, sans conscience des risques mortels qu'elles
prennent...
Enfin, nous allons utiliser les distinctions courantes de
pur/impur ou propre/sale, pour montrer un des outils culturel
de construction ou de mise en forme des individus dans un
groupe.
Nous voulons montrer par là, de facon simple, comment
la "Loi" est inscrite , gravée dans nos automatismes
de base, tels que la respiraration, la digestion,etc...
Nous allons illustrer cela sous forme d'un jeu
de société, que tout le monde peut réaliser
aisément.
A une fin de repas avec des amis, vous pouvez annoncer un
jeu qui consiste a remplir des verres d'eau, et après
les plaisanteries courantes du type : " Moi je ne bois
que du champagne, l'eau c'est pour les grenouilles,etc...",
l'expérience peut avoir lieu. Vous demandez a chacun
de boire une gorgée d'eau, ce qui est fait. La suite
du jeu demande que chacun prenne une gorgée d'eau ,
la garde dans sa bouche, et sur commande la recrache dans
son verre... Déjà à ce stade on peut
observer des réactions de rejet avec des remarques
du genre :"C'est dégoutant, etc..." Quelques
amis vont se retirer du jeu, mais d'autres piqués au
vif vont exécuter cette règle...Le jeu se poursuit
en reprenant une gorgée d'eau dans son verre et de
la recracher dedans, et rares sont ceux qui vont tenir à
3 ou 4 opérations successives. Vous pouvez ainsi obtenir
de vrais "haut le coeur", avec de sérieux
risques de vomissements...
L'analyse de cette expérience est simple : la salive
dans la bouche n'est pas dégoutante, elle ne le devient
que quand elle est dehors. Donc la distinction dedans/dehors
permettant entre autres choses de localiser son corps, est
constituée par un ensemble de règles analogues
culturelles, comme propre/sale, pur/impur, etc...qui vont
régir nos comportements ritualisés et les rendre
évidemment normaux, naturels,...
C'est cela l'inscription de la "Loi"
dans le corps, et toute modification à ce niveau, va
se répercuter en un vécu très traumatisant,
analogue à un vécu de mort... Notons que la
"Loi" est absolument indispensable pour l'inscription
de l'individu dans le monde courant...
Cela se retrouve très bien dans toutes
les traditions initiatiques, où l'on demande à
l'adepte, ou au profane, de mourir symboliquement... Néanmoins
la mort symbolique à ce niveau, est vécue dans
un dérèglement des automatismes qui est particulièrement
traumatisant...
Ces distinctions constitutives de l'individu
comme propre/sale, sont loin d'être un simple jeu. Qui
de nous n'a embrassé sur la bouche l'être aimé
avec un plaisir extrême, et le mélange des salives
s'est fait. Dans ce cas , il n'y a plus de distance avec l'autre,
qui est réellement "introjecté", qui
fait partie de soi-même...Alors qu'à contrario,
si je vous promène le long des quais de la Seine, et
que je repère un clochard particulièrement peu
ragoûtant, et que je vous dise : "Embrasse- le
sur la bouche !", je peux facilement présumer
du rejet avec une réelle contraction du diaphragme,
si vous jouez réellement le jeu d'imaginer l'acte en
question...
Revenons maintenant aux expériences du
type hallucinatoire. Nous avons vu que le monde de la "réalité"
et celui de "l'irréalité" commencaient
à se brouiller, et cela est sans conteste source d'ennuis,
car nous n'avons pas de modèles explicatifs à
ces vécus très chargés d'affects puissants...
Il s'établit une sorte de dissociation entre ce qui
est perçu et les éléments définissants
la personne insérée dans le réseau courant,
trivial, des relations ordinaires, stabilisées, habituelles
et prévisibles...
L'immaginaire va alors fonctionner dans ses plus
mauvaises conditions pour tenter de maitriser ces "choses
bizarres" qui souvent ne sont pas particulièrement
agréables à vivre , et qui pourtant jouent un
role protecteur devant la fascination de cet "Etrange
Monde" . En effet, on peut aussi avoir des visions ou
auditions très agréables, mais cela est moins
fréquent de façon inopinée, et n'arrive
qu'avec une discipline stricte dans une des Voies Traditionnelles...
Mentionnons ici la phrase d'un expérimentateur :
"...A charge égale, si cela avait été
le paradis d'Allah, probablement cela aurait été
imparable, et j'y serai resté, et me serai sûrement
retrouvé à Charenton..."
Nous avons bien là, dans le terme "resté",
la signature de l'évacuation du Monde du vécu
ordinaire quotidien.
Ce qui est remarquable dans l'analyse des récits des
expérimentateurs, surtout quand les "visions"
sont désagréables, c'est que l'on voit bien
à l'oeuvre le mécanisme bien connu de la "
projection du refoulé " et souvent comme les formes
projetées sont terrifiantes et aggressives, ils signalent
que la peur qui les étreint au départ, les conduisent
pour se défendre à attaquer la "forme",
car ils ne peuvent pas fuir, et alors la "forme"
à son tour attaque à ce moment ; Au bout d'un
certain temps, quand on se trouve dans l'incapacité
de se battre, par épuisement, l'expérimentateur
baisse les bras et se laisse aller, s'abandonne, et alors
à sa grande surprise la "chose" cesse d'aggresser
," cà n'attaque plus"...
Si l'expériementateur poursuit, il finit par s'apercevoir
que les "formes" terrifiantes et aggressives évoluent,
changent d'allure, et finissent par se transformer en "choses"
beaucoup plus acceptables...
Il peut aussi se rendre compte, que dans cet état,
c'est bien lui qui construit le monde auquel il fait face,
et qu'en définitive, il peut voir ce qu'il veut voir,
et entendre ce qu'il veut entendre...
Nous retrouvons dans ces "formes terrifiantes" le
fameux "gardien du seuil" mentionné dans
les Traditions variées, et qui ne serait probablement
que la projection du refoulé, refoulé qui contribue
éfficacement en grande partie à la constitution
de notre conscience.
Dans ces conditions, les caractéristiques de l'expérimentateur
sont telles, qu'il ne dispose plus d'un oeil, mais de la fonction
vision; qu'il n'a plus une oreille , mais la fonction audition.
Ainsi, de nombreux phénomènes bizarres, du type
parapsychologique, concernant les sorciers, et rapportés
par les ethnographes, comme ceux de la vision ou de l'audition
à distance, nous paraissent être des caractéristiques
de ces fonctions , que nous avons tous en nous. Ce sont des
phénomènes sur lesquels nous n'avons aucune
prise directe dans notre champ ordinaire de conscience, et
qui traduisent un changement de plan de conscience, consécutif
à la sortie du système spacio-temporel dans
lequel notre conscience ordinaire est inscrite.
Dans le même ordre d'idées, les caractéristiques
des phénomènes de guérison mentionnées
précédemment peuvent apparaitre sous un éclairage
plus simple.
En effet, l'exemple choisi pour la suppression des maux de
dents fait apparaitre que la distance patient/guérisseur
diminue et s'estompe de façon particulièrement
critique, pour l'équilibre ordinaire de l'égo
du guérisseur.
L'état dans lequel le guérisseur se trouve,
peut être décrit dans notre système courant
par un terme du genre "fusionnel", et selon toute
probabilité, c'est dans cet état que des opérations
bizarres et peu courantes se produisent, comme mentionné
dans les exemples de transferts d'ordre physiologique .
Enfin, pour terminer avec ces phénomènes , il
nous faut faire une observation qui nous parait très
importante, et qui éclaire un peu la forme de "l'idéologie"(4)
sous tendant l'action de pratiquement tous les guérisseurs,
chamans,etc... de quelque culture que ce soit, et qui est
la notion de "tiers terme". Nous avons mentionné
précedemment la notion de "canal d'une Puissance",
à partir de laquelle opère le guérisseur.
Nous voyons ainsi apparaître une structuration dans
la conscience de la personne du guérisseur, en relation
avec son patient, que nous appellerons "Structure transitive",
et qui est parfaitement adaptée au régime particulier
de sa relation de type "fusionnelle" décrite
précédemment.
En effet, et cela est particulièrement éfficace
pour l'état spécifique du guérisseur,
qui n'est plus alors en régime de relation bijective
avec son patient (distance sujet/objet s'estompant) et dans
ce cas avec des risques de transferts importants : La présence
d'un élément tiers, comportant la "Puissance
active", établit un régime de transmision
qui déconnecte le réseau serré du "Fusionnel"
et met ainsi le guérisseur en protection relative,
face aux phénomènes de transferts décrits.
La "Puissance",aux attributs indéfinissables,
prendra les noms variés du système culturel
dans lequel baigne le guérisseur : Energie Cosmique
pour le Zen, le Grand Wakatanka pour les Indiens Lakota, le
Dieu d'Israèl, le Bouddha, et les différents
Messies : Moïse, Le Christ, Mahomet,etc...
En formulant ceci, nous souhaitons bien préciser qu'il
n'y a de notre part, aucun jugement de valeur pour ces structures
religieuses, et pour lesquelles nous avons un profond respect.
Nous enregistrons cette similitude de structure protectrice
dans l'état opératoire particulier du guérisseur
(du type fusionnel) et qui doit le proteger du transfert de
perturbations.
Par ailleurs, au niveau purement psychologique, cette "structure
transitive" permet d'éviter l'inflation du Moi
du guérisseur, et les risques de mise en oeuvre de
sa volonté de puissance objectivée, en neutralisant
son égo consécutivement à sa position
de "canal" passif. Le piège mentionné,
est hélas tout à fait banal, et signe par là,
l'échec de l'évolution de la conscience au niveau
transpersonnel, et très probablement la perte de l'éfficacité
thérapeutique.
Pour conclure sur ce domaine du "guérissage",
qui mieux qu'Henri MILLER (5) a pu exprimer l'art du guérisseur
aussi succintement et de façon si précise, dans
son commentaire sur sa position de psychanalyste pour son
ami le docteur Kronsky :
"...L'idée se fit jour en moi que l'art du guérisseur
n'était pas du tout ce qu'imaginent les gens, que c'était
une chose toute simple, trop simple en fait, pour ne pas échapper
aux esprits ordinaires. Pour traduire la chose aussi simplement
qu'elle me vint, je dirais que, en gros : N'importe qui peut
devenir guérisseur, du moment qu'il ne pense plus à
lui même..."
Pour terminer avec les hypothèses explicatives, nous
avons parlé de la notion " d'énergie ",qui
est pour l'ingénieur, dans ce domaine, très
complexe.
Nous n'allons pas aborder un développement poussé
de cette notion très bien étudiée dans
le domaine du psychique par la psychanalyse, Jungienne en
particulier.
Nous voulons faire simplement remarquer le vécu ordinaire,
courant, que tout le monde fait en se réveillant le
matin et en utilisant des termes comme : " Je suis gonflé
a bloc ! Je suis épuisé, dégonflé
! Je suis déprimé !, etc..."
Ces termes traduisent un tonus psycho-moteur,
qui se répercute dans notre sensation d'être
et dans nos actes quotidiens. Tout le monde connait la réaction
particulière et l'état dans lequel il se trouve
à la suite d'une violente émotion... Surcharge
énergétique ou déplétion... Il
suffit de voir le comportement d'une personne, qui plantant
un clou dans un mur , se donne un bon coup de marteau sur
le pouce...La charge est telle qu'il va falloir trouver n'importe
quel motif justificatif pour laisser exploser son energie...
Qui n'a réagit par rapport à son
chien, qui vous voyant souffrir, selon toute probabilité,
vient vous manifester sa sollicitude, et qui recevra un bon
coup de pied accompagné du "toujours dans mes
jambes celui-là !!"
Nous avons ici, de façon caricaturale,à partir
d'une "charge énergétique", le mécanisme
du passage à l'acte, justifié par une représentation
apparemment cohérente...
Pour éclairer quelque peu ce problème,
nous extrayons un passage d'échange de courrier entre
deux membres de la Commission sur ce point :
"...Pour ma part, je trouve que c'est un
problème extrêmement difficile à maîtriser,
et il faut une très longue pratique du contrôle
de ses pensées pour pouvoir l'obtenir, et assurer ainsi,
comme tu le dis avec pertinence, son équilibre mental,
social, et affectif !!
L'expérience que j'en ai (difficulté
de controle de la pensée ) m'a montré que l'Energie
était pilotée par la pensée, et qu'ainsi
on pouvait la localiser en particulier sur différentes
parties de son corps, et que cela était très
dangereux pour nos fonctions physiologiques...
C'est comme cela, qu'il y a quelques mois, en
voulant me discipliner en technique Zen ( en suivant l'enseignement
d'une guérisseuse Hawaïenne Zen), Je me suis flanqué
un "pyrosis"(6) de derrière les fagots (et
j'ai bien cru durant une dizaine de jours que j'allais avoir
un bon ulcère d'estomac ) et comme je n'avais pas compris
la leçon, je me suis payé au niveau du périné,
une "proctalgie nocturne fugace"(7), qui est quelque
chose de bien affolant...
Le résultat de tout cela, c'est que j'ai
arrêté de débloquer, et de faire la méditation
journalière centrée sur la respiration dans
le Hara, et que j'ai compris comment on peut se faire consciemment
ou inconsciemment des dégats physiques et physiologiques,
cancers, etc... et j'en passe...En effet, les choses sont
chez moi un peu a l'envers, l'énergie s'étant
mobilisée, sans entrainement discipliné ; c'est
comme si, maintenant, j'apprenais à passer mon permis
de conduire sur une Formule Un, et cela c'est fichtrement
dangereux, et il vaut mieux apprendre cela sur un véhicule
ordinaire..."
IV - EXPERIENCES TRANSPERSONNELLES RELEVANT
DU DOMAINE SPIRITUEL
Ces expériences sont obtenues en général
par des personnes à la suite d'un long travail de recherche
sur elles-mêmes ou d'un parcours dans une des Voies
Traditionnelles. Elles sont le signe d'une évolution
de la conscience de l'individu, qui se traduit presque toujours
de façon objective par un comportement envers le monde
environnant plein d'Amour et de Compassion...
Afin de bien montrer l'articulation du "psychologique
au spirituel" nous commencerons par une dramatique expérience
de chute du domaine spirituel.
IV-1) Expérience de chute du domaine spirituel
"...C. a travaillé longuement à
la méditation yoga et au bout de nombreuses années,
elle a senti monter en elle les divers plans de conscience.
De confession catholique, elle étudiait aussi la mystique
Chrétienne ( Maître Eckhard ) . Elle était
bien installée dans son Hara, et était arrivée
au stade de la joie simple, présente dit elle, à
100%, dans l'instant. Elle avait Jésus au coeur.
Du point de vue de sa vie professionnelle et vie familiale
tout était parfait. Elle servait de source énergétique
et rayonnante aux collègues de travail ainsi qu'a son
entourage familial.
Un jour , elle fait à l'étranger une méditation
centrée sur le nom du Christ, et elle entre dans une
extase indescriptible.
Elle a recommencé deux mois plus tard une méditation
centrée sur le foie, et après cela, durant une
nuit terrible, elle a senti son énergie se perdre,
son corps se dissoudre, avec une fièvre énorme,
avec une sensation de brûler intérieurement.
Elle a alors vu défiler devant elle sa vie sous forme
de faute. Elle dit : " je me suis couchée innocente
et je me suis relevée coupable ! "
Ensuite, elle subit une vie dramatique, douloureuse,
vidée de sa vie spirituelle, avec plusieurs séjours
en psychiatrie, etc... Elle a des cauchemards toutes les nuits,
dans lesquels elle étouffe comme si on l'enterrait...
Elle dit encore, qu'elle avait un Maître Intérieur
et maintenant elle n'a plus d'intériorité ;
elle vivait dans son corps au niveau subtil, et elle est maintenant
descendue dans son corps grossier...
Il faut ici réaliser la terrible épreuve que
peut représenter cette chute des "Cîmes
exaltantes" (8)...
Il faut avoir un peu approché ce genre de vécu
pour savoir qu'il s'agit d'une chose épouvantable,
et l'on peut dire, que ceux qui ont eu la malchance d'aborder
ce monde par son versant de terreur et d'épouvante,
sont en quelque sorte immunisés contre cet accident,
qui est automatiquement relativisé.
C... est depuis plus de deux ans dans le deuil non réalisé
et l'affliction...
Nous voyons ici à l'oeuvre, un méchant piège
de la vie spirituelle, dans lequel l'acceptation de la vie
ordinaire, courante, avec ses vicissitudes et ses joies simples
n'a pas été réalisé...
Je ne peux que citer une phrase d'une participante
à cette réunion, sur ce sujet :
"...J'ai donné toute ma sève
à la fleur, et mes racines se sont désséchées,
et la fleur a flétri ...(Geneviève 1942)
Voici sur le mode descriptif de la poésie, conté
à la 3ème personne du singulier, un vécu
dans lequel la chute est récupérée, et
conduit alors au quotidien "quotidien qui n'avait plus
rien des qualificatifs péjoratifs qu'on a parfois coutume
de lui associer". Ce quotidien "sacralisé"
est infiniment riche et varié, merveille d'une conscience
de la présence au monde dans l'instant...
IV-2) Expérience de chute récupérée
"...Il arrivait enfin ce qu'il sentait
venir depuis des années, lorsqu'il se vivait encore
comme divisé, incomplet : Il s'était retrouvé
dans la totalité de son être : il était
enfin habité par son âme.
Et cette "chose" était établie
maintenant confortablement dans sa maison, lui prodiguait
bien des grâces, bien des suaves caresses: c'était
comme si elle pansait et guérissait maintes et maintes
plaies anciennes qui n'avaient pas encore pu se fermer tant
la vie rude et acérée passait et repassait dessus
sans cesse..
Mais alors soudain, sans qu'aucun présage
ne se fut annoncé, les souffrances du passé
ressurgirent de dessous le manteau protecteur, avec une violence
extrême et avec encore beaucoup plus de virulence qu'elles
n'en avaient eu en leur temps: les maux se ravivaient sous
la cendre et le transportaient sur le moment, plusieurs decennies
en arrière: Il se demande alors s'il de s'était
pas complètement fourvoyé, s'il ne se croyait
libéré, détaché apaisé,
que sous le couvert d'une incroyable chimère : le volcan
qu'il croyait éteint se remettait tout à coup
à cracher son feu dévorant sur les versants
ensoleillés de sa béatitude ; il touchait le
fond de sa propre angoisse en même temps qu'il lui semblait
porter sur ses frêles épaules toute la misère
du monde : le malheur, la malédiction, s'emparaient
de lui et lui faisaient goûter, avant terme, les milles
et un artifices de l'enfer .
Il en était sûr : la douce paix
qui l'avait un jour ravi, et ce jour là lui semblait
tellement lointain, n'était que le jeu phantasmagorique
de la vie, la véritable vie, qui lui apparaissait alors
comme la plus terrible des épreuves, après avoir
cru, l'espace d'un soupir, en ses suprêmes délices.
Il s'était laissé berner : l'existence
au coeur pur et tendre, n'était qu'une douloureuse
méprise : il savait dorénavant que ses multiples
et divers battements n'étaient que le pouls d'un coeur
de pierre torturé par sa propre inertie.
C'est alors qu'un éclair fulgurant irradia
tout à coup sa prison de ténèbres, qui
se transforma en une incandescence si resplendissante, que
ses yeux et son âme en auraient été consumés,
s'il n'avait pu se cacher sous quelque nuages sombres qui
gisaient encore là, a demi-mort, dans son ciel de lumière.
La douce présence était réapparue,
orchestrant et dirigeant, au milieu d'un féérique
jardin d'azur, un grandiose et prodigieux ballet de formes
et de couleurs, toutes plus chatoyantes les unes que les autres,
et deversant sur son âme embrasée des torrents
d'une eau si céleste que son être tout entier
ne fût plus qu'une mer de velours, un océan d'amour
aux profondeurs abyssales.
Puis il se souvint : le doute l'avait assailli,
subrepticement, le temps d'une minuscule petite pensée,
et le doute lui-même lui avait révélé
sa propre force vivante : ainsi, dans cet état de totale
disponibilité, pensées et sentiments pouvaient
venir le visiter et l'habiter, lui donnant la ferme impression
d'identité avec ce qu'il restait encore de lui : un
tout petit bout de "moi" , qui pouvait attraper
le plaisir ou le malheur comme l'être biologique contracte
une maladie.
Et il pouvait aussi prendre les autres comme
cela, et l'univers tout entier ; et s'il avait à ce
moment-là la moindre consistance personnelle, il souffrait
le mal, il jouissait le bonheur...mais la douce présence,
elle, ne bougeait jamais, ne touchait jamais à ces
extrêmes : elle se contentait d'être là,
d'être ferme et d'être douce ; et dans cette neutralité
bienveillante, elle avait tout pouvoir sur l'intérieur
et sur l'extérieur, si l'égo la laissait agir,
s'il ne se mêlait pas des affaires qui ne le regardaient
plus, qui ne l'avaient d'ailleurs jamais regardé..."
IV-3) Expériences énergétiques
du type "Kundalini"
De nombreuses expériences de ce type ,
bien connues des traditions Orientales, ont été
répertoriées dans la Commission, et peuvent
être classées dans le cadre des expériences
transpersonnelles du type spirituel, car elles conduisent
très souvent à une modification de la vision
de la vie de l'expérimentateur dans le sens "oblatif"
.
IV-3.a) Explosion de l'énergie
"... J'étais dans mon lit en train
de réciter un mantra pour l'endormissement profond,
en le dirigeant vers le périnée. Au bout d'une
demi heure, j'étais dans un état de grand calme,
de béatitude proche du sommeil, avec une sensation
de très grande lourdeur des paupières.
Alors à ma grande surprise, j'ai senti
une explosion, et perçu une grande vague monter dans
mon corps, qui s'est traduite par une forte sensation de chaleur
au niveau des genoux et jusqu'à la taille, niveau où
j'ai maitrisé la vague. Je n'ai pas eu peur, mais c'était
une surprise, et je suis restée dans un grand calme,...et
j'ai mis des années pour élaborer cette expérience...
Ou bien la relation d'un autre expérimentateur
:
IV-3.b) Montée fulgurante de l'énergie
"... Très jeune, j'avais des montées
spontanées de "Kundalini", accompagnées
de bouffées de chaleur,... puis un jour, j'ai subi
une montée fulgurante qui m'a fait très peur...par
la suite , j'ai appris à la contrôler et à
pouvoir la faire monter de chakras en chakras..."
On observera dans ces deux exemples, que la connaissance
par l'expérimentateur d'éléments traditionnels,
supprime dans une certaine mesure, par la dénomination
du phénomène, les craintes consécutives
à l'étrangeté des évènements
vécus.
Une expérience analogue, mais sans support
"idéologique" de la Tradition , est rendue
ci dessous:
IV-.c) Montée progressive de l'Energie
"...J'ai senti une sorte de caresse pulsatoire
montant du bas de ma colonne vertébrale. Cette sensation
bizarre, ressentie comme si la caresse était faite
légèrement en profondeur, sans toucher la peau
superficiellement ( comme s'il montait un liquide mielleux),
n'était pas du tout douloureuse, et grimpait par pulsations,
qui n'étaient ni accordées à mes pulsations
cardiaques ni à ma respiration (que j'ai retenue pour
contrôler ce fait), mais un rythme plus lent encore...
...J'ai alors mis en oeuvre toute mon attention
vigilante pour suivre cette "attaque" d'un genre
nouveau, et assayer de me défendre. La pulsation continuait
a grimper le long de ma colonne vertébrale par vagues
successives... Arrivées au niveau de ma poitrine, mon
coeur s'est mis alors à battre toujours à son
rythme, sans aucune accélération, mais d'une
façon affolante...Le volume cardiaque semblait avoir
triplé dans les diastoles et se contractait au 1/3
de son volume normal lors des systoles...C'était extrèmement
douloureux et la peur m'a gagné, et m'a fait penser
à la rencontre sur les berges de la Seine 3 ans auparavant
avec "Paco", clochard extrêmement instruit,
et à qui j'osais raconter mes expériences, et
qui m'avait dit que je pouvais mourir d'une crise cardiaque
,ou devenir fou, et que ce n'était pas important car
mort c'était terminé, plus de problèmes,
et fou c'était,
pauvres les autres qui t'aiment , car toi tu
ne t'en apercevrais pas !...
...Je sentais les giclées de sang qui
me soulevaient la tête, sur la colonne vertébrale
et qui décollaient presque mes pieds du sol. Cela a
duré un certain temps que je n'ai pu contrôler,
puis l'onde est passée entre mes omoplates en direction
de la nuque, et mon coeur est revenu à son volume normal,
courant, avec ses sensations habituelles.
La vague est alors montée le long de
l'occiput, toujours à son propre rythme pulsatoire,
et quand elle a abordé le dessus de mon crâne,
une commode de bois qui était placée a coté
de moi à ma droite, a craqué avec violence,
et l'air s'est illuminé, et la pièce est devenue
pleine à craquer d'une infinité de choses inconnues,
avait ses murs qui allaient exploser...
Je connaissais cela par expérience, et
il ne fallait pas que l'onde submerge le dessus de ma calotte
cranienne, car sinon mon monde allait chavirer...
Alors brusquement, pour bloquer le processus
et ne pas basculer, j'ai utilisé la technique éfficace
que j'avais trouvé autrefois : j'ai soufflé
par mes narines fortement, en faisant vibrer mon voile du
palais (cela fait un bruit comme font les chevaux) et alors
la vague a commencé à redescendre.., toujours
sur son propre rythme, lentement, et au passage dans la région
du coeur, il y a eu encore un leger effet de gonflement/contraction
que j'ai perçu, puis tout est redescendu, et s'est
finalement perdu très simplement dans la base de ma
colonne vertébrale...
Je me suis enfin levé sans aucune peur,
très calme, et me suis couché sans crainte..."
IV-4) Expériences de la vacuité
Les expériences de vacuité, que
les diverses Traditions dénomment sous des vocables
variés, Samadhi, Satori, Illumination, Nirvana, Rien,l'Inconnaissance,
Shunyata, etc... sont considérées comme les
prototypes de l'expérience transpersonnelle.
Nous allons commencer par citer des phrases entendues
dans la Commission, au sujet d'expériences du Vide...
IV-4.a) Expérience du Vide/intensité
"...Expérience subtile, contraire
à l'éclatement du Zen ; aucune peur, mais intensité
; Il n'y a rien, mais c'est très intense..."
IV-4.b) Expérience du Vide/mort
"...Un jour en faisant des exercices de
respiration, je me suis abandonné dans l'expir, et
j'ai eu l'impression que la mort était quelque chose
de bien, et j'aurai pu mourir là en ce moment...Il
n'y avait rien..."
IV-4.c) Expérience du Vide/tout
"...J'ai été aux Indes, mon
Maître venait de décéder...J'ai alors
vécu un sentiment de joie, de paix profonde, d'accord
avec tout...Tout, coule tout seul...Je me suis arrêté
au bord du Gange ; Il y avait de la brume sur l'eau...et j'ai
gouté une saveur de plénitude ; j'avais conscience
d'être moi-même, mais aussi d'être tout...
Le lendemain , j'étais comme avant cette expérience.
IV-4.d) Expérience du Vide/plein
" 26 avril 1947 (9)
Lettre au Père X...: Bien souvent, j'ai regretté
devant vous mon impuissance à atteindre le monde "de
par derrière". Je me sentais en vue de la Terre
Promise, mais non introduite en elle. La fine pointe de l'humilité,
ou de la concentration amoureuse, ou de l'esprit de don, me
laissaient encore dans l'ordre de la sensibilité, d'une
certaine qualité sans doute, mais sensibilité
tout de même.
Il m'a semblé hier qu'il n'en était plus de
même ; Je me suis sentie accordée à l'essence
du réel ; une essence inconnue, un réel sans
forme, et pourtant absolument authentique (10). Je ne connaissais
rien, et pourtant j'avais cette paix très subtile que
procurerait une évidence indiscutable (10). Quelle
image utiliser ? Celle d'un Vide, si l'on veut, mais d'un
Vide qui aurait qualité de plein, de chose consistante,
de vérité. Celle d'une nuit, mais révélatrice
de la nature des choses.
C'est comme si, jusqu'alors tendue par les necessités
intellectuelles ou pratiques, j'avais laissé s'engager
dans l'ordre des phénomènes, une "intuition
nue" qui maintenant, réussirait à s'exercer
suivant sa véritable nature ; à être spontanément
réceptive d'une essence inconcevable, et que la sensibilité
n'appréhende pas adéquatement. C'est comme si
tout en moi se dénouait, s'apaisait, parce que j'ai
trouvé- sans du tout savoir comment- ce que je cherchais."
IV-4.e) Expérience d'omniprésence
de la vacuité
"21 Octobre 1968 (11)
Cela a été un déclic. Son contenu pourrait
s'expliciter ainsi : J'ai la maîtrise à peu près
entière, au moment du recueillement, de l'identification
à l'espace englobant : Je peux quand je le veux, me
percevoir comme espace enveloppant tout. D'autre part, J'ai
la maîtrise à pau près complète
de la "touche de vacuité": Je peux, à
peu près quand je le veux, atteindre ponctuellement
ce niveau de vie si pure et vive, que par rapport a lui, tout
semble terne et gris. Mais, chose tout à fait surprenante,
jamais je n'ai pansé à mettre d'emblée
la vacuité dans une structure englobante ! Jamais je
n'ai songé à l'espace vacuité ! Le déclic,
ca a été cette jonction : D'emblée vivre
l'expérience de vacuité en structure englobante
. Alors, la vacuité est omniprésente...
...Une conséquence immédiate: le
"Je" cesse d'avoir l'importance qu'il a eu de 1963
à 1968 . Le language utilisé de préférence
sera donc le language impersonnel.
Le sentiment dominant : Celui de joie vive et
fine -et ample-; et celui de liberté; de liberté,
comme définitive...
...La vacuité EST; cette haute qualité de conscience
EST, partout, absolument, autour, dans chaque objet ou pensée.
Elle est la substance inaltérable de tout. Impossible
d'y échapper : impossible de la perdre !... telle est
l'impression .
V- CONCLUSION
A partir des expériences mentionnées
dans cet exposé, il est facile de voir que les expériences
transpersonnelles présentent des aspects extrêmement
variées, et que les limites de leur champ débordent
largement des divers cadres de lecture courants, depuis les
expériences dites paranormales ou parapsychologiques,
jusqu'au domaine de la psychiatrie, au travers de ceux de
la psychologie et de la psychanalyse.
L'extension de ce cadre au domaine spirituel concerne aussi
les expériences rapportées par les Traditions
religieuses sous leur aspect de la mystique.
Comme le mentionne le titre de ce 3 ème Congrès
du Transpersonnel, ces expériences concernent bien
les régions cataloguées dans les domaines du
psychologique et du spirituel.
Nous ne pouvons manquer de voir à l'oeuvre
dans cet exposé, un mécanisme constant de la
conscience humaine, s'étendant à toute l'échelle
des expériences, par exemple depuis le domaine des
affres de l'alcoolique dans sa crise de "délirium
trémens", et qui vit l'assaut d'une nuée
d'animaux ou d'insectes venant l'attaquer, jusqu'au domaine
spirituel le plus élevé, dans lequel la rencontre
de la Déité ou de la Vacuité conduit
à des états de félicité indescriptibles...
Ce mécanisme est celui de cette sorte
de sentiment, de certitude interne, d'intime conviction, de
vérité absolue, de réalité plus
réelle que celle de notre champ de conscience ordinaire,
et qui est irréductible à toute analyse en direct.
Nous sommes là face à "l'Inconnaissable"
avec la seule différence (et elle est de taille !)
que le pensionnaire de l'hopital psychiatrique vit dans la
douleur et l'affliction, dans un monde d'horreur, et que,
par exemple, le mystique expérimente un monde de sublime
beauté...
Les répercussions de ces expériences
peuvent être "objectivées" par l'observation
du comportement ordinaire de ces personnes. En effet, il suffit
de regarder certains "Etres de Lumière" pour
s'en convaincre . Les exemples cités permettent aussi
de montrer que la distinction psychologique/spirituel qui
a servi de structure a l'exposé, peut à son
tour se dissoudre, et que par exemple les voies d'accès
au monde spirituel, que les traditions ont transmises, couvrent
necessairement, sous peine d'avortement, le règlement
de nombreux problèmes d'ordre psychologiques.
A partir des expériences sur la fonction
"guérisseur ", nous avons pu mettre en évidence
deux facteurs rendant compte, d'une certaine façon,
du problème de "l'Etat d'Etre" opératoire
du guérisseur, en l'approchant de notre concept classique
d'état "fusionnel" dans lequel la distance
sujet/objet, fondement de notre conscience usuelle et support
de notre monde trivial, ordinaire, s'estompe, se déforme
et va jusqu'à disparaitre...
Le vécu habituel et la notion courante
"d'Etat amoureux" peut aussi aider à se faire
une idée de ce monde particulier.
Dans cet état du guérisseur, le
mécanisme économique et opératoire de
"l'Idéologie" du "Tiers Terme de la
Puissance", ou dit autrement, de la "Structure transitive"
du champ de conscience ordinaire du guérisseur face
à son patient, et mis en oeuvre depuis de nombreux
millénaires dans pratiquement toute les traditions
de "guérisseurs", a été souligné.
Il protègerait ces derniers des transferts
physiques, physiologiques et psychologiques des perturbations
de leurs patients dans l'état opératoire du
type "fusionnel" où ils se trouveraient.
Enfin , le bref intermède sur la notion
" d'Energie " nous à permis de montrer que
notre culture occidentale a totalement prôné
le développement et la transmission du monde de l'objet
au détriment de celles du monde du sujet.
Malgré nos évidents succès
dans la construction matérielle de notre monde, il
est difficile de ne pas enregistrer les signes évidents
de déséquilibre de cette construction.
L'approche transpersonnelle permettant pour le
moins , une préhension du fonctionnement de nos différents
plans de conscience, pourrait peut être contribuer à
un développement plus sage et plus harmonieux des hommes...
NOTES
(1)- Conférence
faite au 3ème Congrès de l'A.F.T. à KARMA
LING du 4-6 Septembre 1987 : "DU PSYCHOLOGIQUE AU SPIRITUEL"
Techniques et Niveaux d'Expériences.
(2)- Czaplicka:
Aboriginal Siberia - A Study in Social Anthropology; Oxford
1914.
- Sir Hugh Clifford: Studies in Brown Humanity- 1898.
- S.M. Shirokogoroff: The psychomental Complex of the Tungus-
Londres 1935.
(3)- De Martino
Ernesto: Le Monde Magique -parapsychologie ethnologie, histoire-
Traduction en Français . Collection Marabout Université,
1971 p.86 .
(3b)- C'est nous
qui soulignons.
(4)- Au sens de
l'ensemble des idées, des croyances et des doctrines
propres à une époque et à une société.
(5)- La Crucifixion
en Rose - SEXUS (Trad.) Ed. Buchet/Chastel 1987 p. 465 .
(5b)- Souligné
dans le texte.
(6)- Pyrosis:
Sensation de brûlure le long de l'oesophage avec souvent
régurgitation acide. Il s'agit de suc gastrique remontant
de l'estomac dans l'oesophage, et parfois jusque dans les
fosses nasales.
(7)- Proctalgie
Nocturne Fugace: Douleurs extrêmement violentes au niveau
du périnée, survenant la nuit et ne persistant
pas.
(8)- cf. La Montée
du Carmel de Saint Jean de la Croix.
(9)- Geneviève
Lanfranchi: Vivre en Vacuité, in Le Vide- Expérience
Spirituelle en Occident et en Orient. Ed. Hermès p.281-282.
(10)- C'est nous
qui soulignons.
(11)- Geneviève
Lanfranchi: Opus cité p. 289.
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