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ARTICLES DE FOND
- Quest-ce
que le Transpersonnel ?
- Histoire
du Transpersonnel - Marc-Alain
DESCAMPS
- Dépasser
l'égo - DURCKHEIM
- La
Spiritualité - Robert
LINSSEN
- L'éveil
- MARIE-MAGDELEINE DAVY
- Les
leçons de sagesse - JEANNE
GUESNE
- L'escalier
des valeurs
- Marc-Alain DESCAMPS
- De
le nécessaire urgence d'une Recherche Intérieure
- Dr. Jacques DONNARS
-
De
la Peur fondamentale qui nous sépare vers la sécurité
- Dr. B. PERNEL
-
Variété
des expériences Transpersonnelles
- Lucien ALFILLE
- Exercices
de conscience
- Colette ALBRECHT
-
Corps,
émotions et méditation - Dr
Jacques VIGNE
ARTICLES D'ACTUALITÉ - Janvier
2008
-
PERSONNEL,
IMPERSONNEL ET TRANSPERSONNEL
chez Jacques VIGNE -
Marc Alain Descamps
-
POUR
ECHAPPER A LA VIOLENCE -
V. Trémintin
HISTOIRE
DU TRANSPERSONNEL
Par
Marc-Alain DESCAMPS
Il existe bien des façons
de répondre à la question "Qu'est-ce que
le Transpersonnel ?". La plus simple est de donner son
opinion (ou sa conviction si l'on y tient beaucoup). Mais
il existe différents courants et diverses conceptions
possibles du transpersonnel. Il nous semble que pour répondre
de façon utile et tolérante, il vaut mieux reprendre
l'histoire du mouvement transpersonnel. Le transpersonnel
est à la fois un terme récent et une réalité
très ancienne, car il s'ancre dans toute l'ancienne
spiritualité.
Le mouvement transpersonnel a été fondé
aux U.S.A. en 1969, mais fondamentalement il existait depuis
des siècles dans tout le travail des mystiques d'Orient
et d'Occident. On ne peut pas définir le transpersonnel
sans reprendre l'histoire de la spiritualité en Occident,
de même qu'on ne peut pas en rester à l'ancienne
conception de la spiritualité sans préciser
qu'elle débouche dans le Transpersonnel. Le Transpersonnel
est une des voies les plus directes pour accéder à
la spiritualité sans avoir l'obligation de passer forcément
par une religion.
1. LA FONDATION AUX U.S.A.
Le transpersonnel est le dépassement
de la notion de personne. Ce mot, employé par Emmanuel
Mounier et le mouvement personnaliste dès 1947, a connu
un succès universel dans les années 70 avec
l'étude des états modifiés de conscience.
Le terme de "transpersonnel" qui a été
choisi en 1969 par Abraham Maslow et défini très
précisément par lui dans ses livres et articles
(1964, 1968, 1971).
Sa définition est simple et claire,
sans aucune équivoque. Il commence par une étude
des motivations humaines qu'il classe hiérarchiquement
en cinq niveaux : physiologique, de sécurité,
d'intégration, d'estime de soi et de réalisation
de soi. C'est alors, qu'après une étude des
expériences des sommets (peak-experience ), il découvre
un sixième besoin, celui du dépassement de soi.
Ce niveau supérieur regroupe toutes les expériences
de dépassement de la personne humaine vers la Transcendance
qu'il nomme un transpersonnel. Par delà le cinquième
besoin d'actualisation de soi, se situe donc un besoin inaliénable
de transcendance, le besoin d'une vie signifiante (value-life)
qui, par delà les limites habituelles de l'identité
humaine, pousse à se mettre au service des autres.
Ce niveau suprême est tellement
important pour Maslow que l'on ne peut plus parler à
son sujet de besoin ou de motivation, mais de métabesoins
(metaneeds ) ou Besoin-Etre (Being-needs, B-needs ). Ce sont
les besoins de Vérité, de Beauté ou de
Transcendance, qui constituent donc l'expérience des
Valeurs. Ce qui est le fondement et la base de la psychothérapie.
Et de plus ceci constitue une nouvelle psychologie : la psychologie
transpersonnelle. Elle est un dépassement de toutes
les méthodes vouées à la réalisation
de soi, à l'actualisation de la personne, au renforcement
du moi, etc. (cinquième niveau). Ce sixième
niveau, qui est celui du sacrifice et du dévouement
dans la réalisation des Valeurs et non plus de réalisation
de soi égoïstement, provoque un changement radical.
"Je considère que la psychologie
humaniste, troisième force, a à être transitionnelle,
une préparation pour une, encore plus haute, quatrième
psychologie, transpersonnelle, transhumaine, centrée
dans le cosmos plus que dans les besoins et intérêts
humains, allant au-delà de l'humain, de l'identité,
de l'actualisation du moi et du reste" (Toward a Psychology
of Being, 1968, 128, III). On ne peut pas être plus
clair. Pour Maslow la première psychologie était
celle du comportement, la seconde la psychanalyse, la troisième
la psychologie humaniste ou le mouvement du potentiel humain
et la quatrième transpersonnelle.
En 1969, il fonde l'Association de Psychologie
transpersonnelle avec Carl Rogers, Viktor Frankl, Antony J.
Sutich, Stan Grof, Jim Fadiman ... et le Journal of Transpersonal
Psychology, dont Antony J. Sutich sera le premier directeur
de 1969 à sa mort en 1976. Ce premier mouvement est
américain et lié aux psychologues.
Un second mouvement, s'ouvre bientôt au
reste du monde et s'élargit hors de la psychologie,
car le transpersonnel existe aussi en sociologie, économie,
anthropologie, ethnologie, éducation, management, systémique,
communication, éthique, écologie ... Ainsi se
fonde l' I.T.A. (International Transpersonal Association)
sous forme d'un réseau informel. Il a organisé
des Congrès autour du monde : Islande 1972, Brésil,
Finlande, U.S.A. 1979, Australie, Indes 1982, Suisse 1983,
Japon 1985, U.S.A., Prague 1992, Irlande 1994, Brésil
1996.
Par leurs nombreuses publications se sont fait
connaître du grand public Charles T. Tart, Ken Wilber
et Stanislav Grof. Ce dernier est aussi le fondateur de la
"respiration holotropique" et à partir de
cette psychothérapie transpersonnelle d'une théorie
sur les expériences péri-natales (avec les systèmes
coex et les quatre matrices périnatales fondamentales).
La psychologie transpersonnelle a acquis droit de cité
dans les Universités aux U.S.A.. Il y a des cours ou
un département dans bien des Universités d'Etat
et de plus se sont fondées des Universités privées
qui n'enseignent que le Transpersonnel, comme le Californian
Institute of Integral Studies ou l'Institute of Transpersonal
Psychology, etc.
2. LA PLACE DANS LE MONDE ET LE MOMENT DU TRANSPERSONNEL
Le mouvement transpersonnel est aussi bien implanté
en Australie et Nouvelle-Zélande. Il commence à
se fédérer en Amérique du Sud, au Canada
...
Les deux premiers tiers du vingtième siècle
ont été, à la suite des précédents,
marqués par le matérialisme scientifique et
ses conséquences : l'impérialisme économique,
les violences et les guerres destructrices. La science s'est
lentement construite avec les dogmes de la seule quantification
par Galilée, du mécanisme de Descartes et de
la physique close de Newton. Le matérialisme est passé
d'une précaution méthodologique dans l'expérimentation
scientifique à une philosophie niant le rôle
de l'esprit et cherchant à construire le monde à
partir du hasard et de la nécessité (de Darwin
à Monod). En expurgeant soigneusement toute orientation,
toute finalité et tout sens, il n'a pu qu'aboutir à
la philosophie de l'absurde de Sartre. Economiquement il a
tout fondé sur l'intérêt et bâti
le monde du profit à tout prix et du capitalisme égoïste.
Même Freud et certains psychanalystes ont voulu réduire
l'homme à ce qu'il y a de plus bas en lui : la sexualité
et l'agressivité. Et ce monde matérialiste trouvait
son fleuron dans la système communiste et son hégémonie
colonialiste qui se répandait de plus en plus. Ce colosse
aux pieds d'argile s'est écroulé brutalement
dans un fiasco généralisé : économique,
écologique, tribal et humain. Ses peuples asservis
et opprimés n'ont plus d'âme. Et face aux efforts
d'entente, d'union et d'entraide des peuples libres qui ont
un idéal commun, nous voyons son résultat :
la montée des forces séparatistes et désagrégeantes
dans les égoïsmes tribaux de la "purification
ethnique". Face à ces fixations et ces inhibitions,
les forces de progrès jouent dans le sens d'une libération
et d'une ouverture sur les Valeurs de l'avenir.
La rupture avec cette ancienne mentalité
s'est produite en réalité aux deux tiers du
siècle avec l'année des Hippies (6 octobre 1966-
7 octobre 1967) dont sont sortis tous les mouvements de 1968
et le renouveau qui en est résulté. La faille
dans la science avait été créée
par la révolution d'Einstein (théorie de la
relativité 1905), d'Heisenberg (principe d'incertitude
1930) et de Max Planck (théorie des quanta). De nouvelles
théories contre un monde conçu comme formé
d'objets séparés apparaissent soudain : le bootstrap
de Geoffrey Chew (1968), l'ordre impliqué de David
Bohm, la théorie des catastrophes de René Thom,
la théorie holographique du cerveau de Karl Pribram
(1968), les structures dissipatives d'Illya Prigogine (1977),
la théorie du Big-Bang , la causalité morphogénétique
de Rupert Sheldrake, Gaïa, terre vivante de James Lovelock
(1972), les matrices périnatales de Stanislav Grof
(1969)... L'ensemble s'articule selon un nouveau paradigme
scientifique qui, à l'opposé de l'ancien, a
une vision spiritualiste. Le monde, qui n'est pas formé
d'objets matériels séparés, est une structure
énergétique fluide, comme notre corps. Il y
a une unité sous-jacente entre l'homme et l'univers
et une Conscience-Energie est à l'oeuvre dans l'univers.
Tout repose donc sur la Conscience qui reste
encore à étudier. La conscience est la donnée
première de notre esprit qui permet de se rendre compte
et de faire attention. Elle se présente avec des degrés
en moins (le sommeil, l'ivresse, le subconscient et l'inconscient...)
et avec une amplification dans le surconscient (états
non ordinaires et expansion de conscience). La grande révolution
a été l'apparition dans les années 60
des psychothérapies humanistes et transpersonnelles.
Grâce à elles, il est possible d'échapper
aux conditionnements de sa naissance, de son enfance et de
son éducation. On régresse jusqu'à l'origine
et l'on reconstruit sa personnalité et sa vie sur de
nouvelles bases en se donnant la chance d'une seconde vie.
Ainsi par la psychologie l'homme peut échapper à
ses liens (névrose, phobies, obsessions, mal-être)
et se libérer. De plus les psychothérapies transpersonnelles
permettent d'accéder à une dimension intérieure
non encore explorée, celle du sacré ; elles
retrouvent les médecines du sacré des peuples
primitifs et les techniques corporelles utilisées pour
atteindre à l'expérience mystique. Tout est
maintenant centré sur le voyage intérieur jusqu'au
fond de soi-même, l'exploration de la méditation
et des expériences d'expansion de conscience et d'Eveil.
L'ensemble offre une nouvelle vision du monde,
de l'homme et de la science. Ainsi se constitue un Univers
où tout est relié. L'homme n'est plus seul et
perdu dans un monde matériel froid, hostile et absurde.
La racine de l'aliénation était pour nous dans
l'opposition de l'âme et du corps et la haine du corps
qui en était résultée. Tout était
lié, le refus de son corps menait l'homme à
l'oppresser et à opprimer également la nature,
les animaux, les femmes, les enfants, les peuples non-industrialisés,
les individus non-économiquement rentables, etc. Par
la réconciliation avec son corps et l'acceptation de
sa nudité, l'homme a pu échapper à 2.500
ans de honte du corps et de culpabilité. Et par conséquent
en s'acceptant mieux, il a pu admettre la libération
des femmes, la décolonisation, la reconnaissance des
droits des enfants et des animaux, la protection de la nature
et l'écologie... C'est désormais l'amour de
la nature qui remplace l'impérialisme et la guerre.
La tache la plus urgente du XXIème siècle
nous paraît donc être l'exploration de la conscience
et des états supérieurs du surconscient. Par
là, on découvrira des moyens encore plus efficaces
de libération et de réforme de sa vie. Freud
n'a exploré que l'inconscient et les procédés
psychanalytiques de transformation des pulsions les plus basses.
Il reste à découvrir toute la psychanalyse d'élévation.
Ses opérations de sublimation et de métanoïa
étaient utilisées dans les voies traditionnelles
de l'Orient : Yoga, Taï-Chi, Zen, Soufisme, Lamaïsme,
Chamanisme... Des techniques commencent à être
reconnues : relaxation, immobilité, isolation sensorielle,
hyperventilation, mantras, mandalas, chakras, Kundalini, énergie
corporelle, expansion de conscience, pensée positive,
visualisation créatrice, sublimation... Une psychanalyse
spiritualiste est en train de se construire, elle met en oeuvre
toutes les opérations des hauteurs comme la sublimation,
la valorisation, la métanoïa, la métamorphose
... Surtout elle est fondée sur les attracteurs et
non plus comme avec Freud sur les seules pulsions.
Après elles pourront être appliquées
à l'individu, puis aux groupes et à la société
avec les eidolons ou images-forces collectives, dont le maniement
permettra une réforme globale de l'humanité.
Le Holisme fait maintenant comprendre que rien n'est séparé
et indépendant. Nous sommes en train de nous rendre
compte de la constitution de la psychosphère ; non
seulement la terre fonctionne comme un seul être vivant,
mais la pensée humaine s'est unifiée. Grâce
au réseau des communications ultra-rapides qui s'est
établi (TV. fax, ordinateurs, Internet, autoroutes
de l'information ...) rien de ce qui est humain ne nous est
plus étranger. Une double force tire l'humanité,
à la fois vers son unification mondiale et à
la fois vers son enracinement dans le régionalisme.
L'accès au surconscient se réalise
de plus en plus par des expériences diverses (mystiques,
transpersonnelles, dialogue avec l'ange, Findhorn, rêve
lucide, voyages à l'orée de la mort, expériences
périnatales...). Elles provoquent une mutation, une
véritable métanoïa. Et ce passage au niveau
du supramental est le parachèvement de l'évolution,
selon ce qu'avaient prévu Aurobindo, Teilhard de Chardin,
Gurdjief, Krisnamurti. Il était temps, car sinon l'humanité
allait se détruire dans l'horreur d'une troisième
guerre mondiale et l'apocalypse nucléaire.
Les nouvelles valeurs du vingt-et-unième
siècle qui sont en train de s'établir doivent
beaucoup à l'inspiration de la spiritualité
et de ses techniques, remplaçant ou revivifiant les
anciennes religions. Mais elles proviennent aussi des femmes
: après le matriarcat primitif et les civilisations
patriarcales, la nouvelle civilisation sera féminine.
Les femmes sont sorties de la reproduction, dans laquelle
on les enfermait, pour entrer dans la production, l'industrie,
la science, l'art, la culture et la politique. Elles apportent
partout de nouvelles valeurs féminines. D'abord l'amour
de la vie : puisqu'elle la donne et l'engendre longuement,
la femme ne peut pas l'ôter et elle n'est pas un tueur
comme l'homme. Partout ce sont elles qui protestent contre
les violences, les tortures et les guerres. Elles contribueront
à un monde fondé sur la négociation,
la diplomatie et la coopération et non plus sur la
guerre. La virilité, c'est la force, la bagarre, le
culte du biceps et la partie de bras de fer ; au contraire,
la femme est souple et patiente par nature, elle sait attendre,
biaiser, céder pour revenir au moment favorable. Ce
sont aussi les femmes qui ont inventé l'amour avec
les Cours d'amour en Occitanie et les Béguines en Flandres
au XIIIème siècle et elles l'ont imposé
aux hommes plus intéressés par la simple sexualité
(viol, inceste, harcèlement sexuel). La spiritualité
et la mystique sont aussi des valeurs féminines, ainsi
que l'affectif, l'imaginaire, le monde des sentiments et la
sensibilité à ce qui n'est pas uniquement rationnel.
Un sens éthique est en train de se faire
jour partout (la valorisation). Cela a commencé avec
la prise de conscience de la destruction systématique
de la nature et la mise en place d'une Ethique écologique,
qui imprègne profondément tous les jeunes. Puis
s'est constituée une éthique médicale
et biologique, face aux dangers et atteintes à la santé
et à la vie. Les nations sont profondément secouées
lorsque s'installe une éthique industrielle, des affaires,
des banques, de la Bourse ... surtout lorsque commence à
s'étendre au monde politique. Le plus extraordinaire
est la lente mise en place progressive d'une éthique
de la guerre, avec l'apparition des crimes de guerre et des
crimes contre l'humanité ; même dans ce monde
de la force sans droit voici que l'exigence éthique
se fait jour.
Nous assistons stupéfaits depuis 1968
à des changements sociaux imprévisibles et ceci
constitue la seconde Renaissance qui prépare l'entrée
dans l'ère du Verseau. Notre devoir est de contribuer
de toutes nos forces à cette mutation spirituelle de
l'humanité. Pour cela nous devons nous grouper autour
des pôles d'ouverture et de transformation orientés
vers l'Avenir. Le mouvement transpersonnel est l'un d'entre
eux.
3. LA PSYCHOLOGIE TRANSPERSONNELLE EUROPEENNE
La psychologie transpersonnelle est en Europe
bien antérieure à la création du mouvement
transpersonnel. Elle s'origine dans la longue tradition des
mystiques grecs depuis Plotin, Proclus, Jamblique et le Pseudo-Denys
l'Aéropagite, puis se développe avec l'école
anglaise (Le nuage d'inconnaissance ), allemande (d'Hildegarde
de Bingen aux Béguines jusqu'à Maître
Eckhart et son école : Suso, Tauler, Jacob Boehme,
Angélus Silésius...), espagnole (Ibn Arabi et
les soufis d'Andalousie, Jean de la Croix et Thérèse
d'Avila), italienne (les Fioretti , Catherine de Sienne),
grecque (Hésychasme et mont Athos), russe (Séraphim
de Sarov) et française (Marguerite Porette, François
de Salle, Madame Guyon, Thérèse de Lisieux)...
La psychothérapie transpersonnelle est
à ses débuts une construction typiquement européenne
avec le suisse C.-G. Jung (qui utilisa le premier le terme
de überpersonlisch en 1916), l'italien Roberto Assagioli
et la psychosynthèse, les français Robert Desoille
et le rêve-éveillé ou Pierre Weil et le
cosmodrame, l'autrichien Victor Frankl et la logothérapie,
l'allemand Graf Dürckheim et la thérapie initiatique
... Jung (1875-1961) s'est très tôt rendu compte
des limitations de Freud, incapable d'expliquer ce qu'il y
a de plus élevé en l'homme à partir de
ce qu'il a de plus bas. Et il a pensé que la clé
des perturbations se trouvait dans l'échec à
se relier à ce qu'il a de plus haut. La réconciliation
avec le meilleur de soi-même et son processus de croissance
intérieure peut se faire lors d'une expérience
du Sacré (ou numen ) : "Le fait est que l'approche
du numineux s'avère être la thérapie essentielle
; dès que l'on parvient à l'expérience
numineuse, on se trouve libéré du joug de la
maladie". Le fondement des psychothérapies transpersonnelles
se trouve dans cette découverte.
Roberto Assagioli (1888-1974) a été
un ami de Jung et de Desoille et a mis au point la "Psychosynthèse"
dans la même orientation transpersonnelle : "Le
but ultime de la psychosynthèse est celui d'amener
le sujet à prendre conscience du Soi transpersonnel".
Mais cela doit avoir été préparé
par une psychosynthèse personnelle où l'on a
renoué avec le processus de croissance ou d'auto-réalisation
et intégré ses différentes sub-personnalités.
Robert Desoille (1890-1966) fonde la méthode
du Rêve-éveillé, une thérapie qui
permet d'avoir des rêves sans dormir allongé
sur le divan. Ils peuvent se faire à différents
niveaux et lorsque s'installe un état supérieur
de conscience, on obtient un rêve mutatif qui, grâce
à un contact avec la dimension du sacré, permet
une transformation de la personnalité et une liquidation
des difficultés.
Le travail du transpersonnel a été
longuement préparé en France par des femmes
inspirées comme Marise Choisy, Lilian Silburn, Marie-Madeleine
Davy, etc. Marise Choisy, sous l'influence de la pensée
hindoue et du Yoga, a été une des premières
à ouvrir une école de méditation, à
publier livres et articles sur la spiritualité et à
fonder avant sa mort une Alliance mondiale des religions.
Lilian Silburn (1908-1993), après de longs séjours
aux Indes, est devenue la grande spécialiste du Shivaïsme
du Cachemire dont elle a traduit de nombreux textes et a dirigé
la revue Hermès qui a produit des contributions remarquables
sur les voies de la mystique, le Maître, le Vide, le
Zen. Marie-Madeleine Davy, après des études
sur la symbolique romane, a eu une action considérable
d'animation (au sens de donner une âme) dans des séries
de conférences inspirée où elle donne
l'expérience de ce qu'est l'éloquence sacrée.
Elle a abouti au transpersonnel à travers les thèmes
des mystiques sur le voyage, le désert, l'oiseau, la
montagne ...
Pir Vilayat Inayat Khan, leader de l'Ordre Soufi
Universel, par ses enseignements et ses pratiques de méditation
et de retraite, a eu une influence considérable dans
toute l'Europe depuis 1964.
En 1987 quatre pays (Belgique, France, Italie,
Pays-Bas) ont fondé en France EUROTAS (European Transpersonal
Association). Puis s'y sont joints l'Allemagne, le Royaume-Uni,
la Suisse, l'Espagne, la Suède, la Norvège et
bien des pays de l'Est Pologne, Croatie, Hongrie, Russie ...
Des Congrès européens ont eu lieu Bruxelles
1984, Strasbourg 1990, Londres 1994, Varsovie 1997. Eurotas
publie une Newsletter en anglais.
L'originalité de la pensée transpersonnelle
européenne se continue par le travail de l'école
italienne (Laura Boggio Gilot, Anna-Maria Turi), allemande
(Elizabeth Philipov, Edith Zundel), anglaise (Jan Gordon-Brown,
John Rowan), espagnole (Almendro, Rodriguez) , française
...
Laura Boggio Gilot définit le transpersonnel
comme le dépassement de la pensée duelle, vers
l'état non-mental et l'Un sans second. Sa conception
du Soi transpersonnel s'origine dans le Védanta. Elle
lie le Transpersonnel avec la notion de Service et de dévouement
désintéressé.
John Rowan distingue quatre positions dans la
croissance spirituelle : le moi mental, le soi individuel,
l'âme et l'esprit. Il insiste pour bien distinguer les
trois premiers niveaux qui restent personnels et volontaires
allant jusqu'aux expériences des sommets de Maslow
et le quatrième (celui du Soi causal) qui est l'état
de dépassement de la notion de personne atteint par
les mystiques de tous les pays.
Manuel Almendro considère que le transpersonnel
n'est pas une simple théorie ou connaissance, mais
qu'on ne peut y accéder qu'à travers une pratique
et un processus de formation qui prend en compte les trois
niveaux du corps, du mental et de l'esprit.
En France le Transpersonnel s'est fait connaître
avec l'invention des psychothérapies par le corps et
de la psychologie humaniste. Dès 1972 dans le cadre
de l'Association française de psychologie humaniste
a existé une section de psychologie transpersonnelle.
C'est à partir d'elle, qu'à la dissolution de
cette association, s'est fondé en 1985 l'Association
française du Transpersonnel. En organisant un Colloque
par an ont pu être rassemblés les différents
courants qui se font jour en France.
Dans Qu'est-ce que le Transpersonnel ? Marc-Alain
Descamps a pu tracer une cartographie de ce champ par quatre
cercles concentriques. Au centre se situent les pratiquants
des voies mystiques traditionnelles d'Orient et d'Occident
que le Transpersonnel étudie et dont il cherche à
faire la jonction (yoga, zen, bouddhisme tibétain,
soufisme, chamanisme, hésychasme...). Puis viennent
les différentes psychothérapies transpersonnelles
avec la respiration holotropique de Grof, le rêve-éveillé,
la psychanalyse spiritualiste, etc. Le troisième cercle
est formé par tous les scientifiques qui sont venus
rejoindre le nouveau paradigme transpersonnel et leur lecteurs
(Capra, Pribram, David Bohm, Charles Tart, Rupert Sheldrake...
et en France Stéphane Lupasco, Olivier Costa de Beauregard,
Jean Charon, Bernard d'Espagnat, Basarab Nicolescu, René
Thom, Thérèse Brosse, Hubert Reeves ...). Le
dernier cercle extérieur correspond à l'étude
et l'expérience des états non-ordinaires de
conscience et sur ses confins à l'ésotérisme,
l'alchimie, l'astrologie, les guérisseurs, la parapsychologie,
etc. La thèse centrale de Descamps est qu'au transpersonnel
horizontal (échange de personne à personne qu'il
vaut mieux appeler "interpersonnel") il faut ajouter
le transpersonnel vertical (le passage de l'égo au
Soi, la spiritualité, la vie mystique, la rencontre
du sacré ou du divin). Il ne faut pas confondre le
Transpersonnel avec la parapsychologie ou le New Age. Lucien
Alfillé a fait l'étude des variétés
des expériences transpersonnelles.
Dans La révolution transpersonnelle des
rêves il reprend l'étude des rêves lucides,
des songes de pouvoir et des visions de vérité
qu'il avait abordé dès 1972 dans La maîtrise
des rêves. Christian M. Bouchet montre combien c'est
une situation de conscience accrue et Pierre Weil étudie
la transformation des rêves dans son expérience
de la retraite tibétaine de trois ans.
L'amour transpersonnel montre comment l'amour
s'est inventé en Occitanie chez les troubadours avec
le pur amour (Fin Amor) à partir de l'amour cathare.
Mais ce seront les Béguines des Flandres qui vont en
faire l'application à l'amour divin avec Marguerite
Porette, Béatrice de Nazareth et Hadewijch d'Anvers.
Marie-Madeleine Davy et Jean-Yves Leloup montrent bien comment
ce sont ces femmes persécutées qui ont inventé
les concepts que va reprendre Maître Eckhart. La véritable
amour est généreux et désintéressé,
il donne au lieu de réclamer.
Mystique et Transpersonnel va détailler
comment le mouvement transpersonnel s'origine dans la recherche
des mystiques avec les travaux d'Elisabeth Andrès sur
l'hindouisme, de Pir Vilayat Khan sur le soufisme et de Jampa
Tarchin sur le Bouddhisme tibétain. Ceci avait été
préparé par l'oeuvre considérable de
Lilian Silburn sur le bouddhisme ou de Eva de Vitray-Meyerovitch
sur les Soufis.
Dans Les psychothérapies transpersonnelles
Marc-Alain Descamps fournit une nouvelle métapsychologie
de la psychanalyse spiritualiste avec un quatrième
niveau de conscience qui est le surconscient et une quatrième
instance qui est le pôle de réalisation. Une
pulsion de réalisation nous mène par un processus
vers ce pôle qui joue le rôle d'attracteur global.
Le moment essentiel d'une cure est dans l'expérience
mutative ; elle s'établit par la rencontre du sublime.
Ceci va engendrer la transformation que l'on peut envisager
aux trois niveaux de la sublimation, de la métanoïa,
de la valorisation et de la métamorphose. La sublimation
est l'orientation vers et par le sublime ou la transparence
de l'infini, la métanoïa est la découverte
de l'âme au-delà du mental, la valorisation est
la mise au service désintéressée des
valeurs et la métamorphose est le changement d'identification
qui passe de l'égo au Soi. Ainsi se constitue une psychanalyse
d'élévation ou d'émergence.
L'art est pour le transpersonnel un domaine d'élection.
Le chef d'oeuvre est ce qui émane du Soi et non de
l'égo de l'artiste et dont la contemplation éveille
le Soi du spectateur. Il est de plus ce qui engendre la créativité
comme le montre René Huyghe dans Art et créativité
.
Enfin le transpersonnel se complète en
renouvelant la visée éducative. Une société
se fonde toute entière sur sa conception de l'enfance
et Marc-Alain Descamps demande que l'on distingue l'enfant
d'En-Haut, relié aux Sources, de l'enfant d'en-bas,
prisonnier de ses complexes. L'éducation transpersonnelle
est déjà en marche dans les réalisations
présentées pour la Belgique par Christine Dierkens,
la Suisse par Jacques de Coulon et le Québec par Constantin
Fotinas.
4. LE DEBAT ACTUEL
La fondation en 1994 de l'Association internationale
de Psychiatrie spirituelle lors du premier Congrès
sur "La Méditation en Psychothérapie "
à Lyon (France) a été l'occasion d'une
vaste rencontre et d'une grande confrontation. De même
l'organisation en septembre 1995 du Symposium international
à la Sorbonne à Paris sur Le Spirituel, pluralité
et unité a rendu possible une rencontre de divers courants
et une prise de conscience des dangers qui menacent le transpersonnel.
Avec le succès du transpersonnel vers
1990, le terme de "trans" est devenu à la
mode et l'on en a parlé à tout propos et hors
de propos. Tout est devenu "trans" : transdisciplinaire,
trans-mutation, transgénérationnel, transfonctionnel,
transactionnel, transconscient, transculturel, transrelationnel,
transparadoxal ... On se demande parfois si cette pléthore
n'est pas un moyen dissimulé pour noyer la spécificité
du transpersonnel dans le flou et la banalisation, sans avoir
besoin de le nier. De plus, on peut affecter de le confondre
avec la transe et essayer de le discréditer en le rapprochant
de son contraire par un jeu de mot assassin, en disant que
"le transpersonnel n'est qu'une transe-personnelle".
Alors que c'est exactement le contraire : on y garde la conscience
et il n'y a plus rien de personnel.
Le Transpersonnel risque d'être confondu
avec le personnel, la parapsychologie, le New age , et la
religion. Les débats portent donc sur le rôle
et la place du développement personnel (préalable
ou concomitant) et des voies traditionnelles face aux expériences
sauvages. Au niveau européen, il a fallu d'abord faire
admettre la dimension éthique et morale du Transpersonnel
par tous ceux qui ne rêvaient encore que de drogue et
de pouvoirs paranormaux. Maintenant semble admise une vision
large du transpersonnel, qui ne peut jamais être confondu
avec une seule de ses composantes (respiration holotropique
de Grof, psychosynthèse, yoga, sophrologie, etc), ni
avec un dialogue inter-religieux.
Le pire est qu'en 1996 le mot "transpersonnel"
commence à être à la mode et abusivement
utilisé par bien des personnes qui n'en ont jamais
entendu parler ou proposent exactement son contraire, en particulier
du "développement personnel".
CONCLUSION
Finalement se dégagent quelques positions
européennes originales :
1. Il convient
de définir et transmettre le transpersonnel avec précision
et rigueur, pour éviter toutes les accusations d'éclectisme
et de syncrétisme, et toutes les confusions avec les
mouvements apparentés (holiste, "new age ",
psychologie humaniste, développement personnel, etc.)
et les exploitations commerciales qui vont avec.
2. Le transpersonnel
n'est pas un ensemble de techniques volontaristes produisant
automatiquement leur effet (caisson d'isolation, transe, phosphénisme,
lunettes dreamlight ...) qui ne font, au contraire, que gonfler
l'égo.
3. Le modèle
du transpersonnel se trouve dans l'expérience des mystiques
de toutes les religions. Ce courant religieux est celui qui,
en Europe, a été préféré
au chamanisme, trop peu implicateur et centré sur les
"pouvoirs".
4. Les expériences
transpersonnelles (peak-experience de Maslow) ne sont pas
à confondre avec l'état transpersonnel obtenu
par les mystiques ou le travail continu dans une voie traditionnelle.
Ces expériences spontanées sauvages, de par
leur manque de préparation, sont plus un obstacle qu'une
aide.
5. Aucune méthode
de psychothérapie n'est en droit d'usurper le titre
de "transpersonnelle" ou de se l'annexer. On ne
peut parler que de psychothérapie d'inspiration transpersonnelle.
Par contre dans certaines méthodes (il y en a une dizaine)
et surtout avec certains psychothérapeutes, formés
à la lecture de l'inconscient et du surconscient, il
y a plus de chance que l'on atteigne le niveau du transpersonnel,
en cessant de s'identifier à sa petite personne.
REFERENCES
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- Boggio Gilot Laura, Il
Se transpersonale, Roma, 1991
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le Transpersonnel ?, Ed. Trismégiste,
1987, Alfillé, Descamps, Nicolescu
- La révolution
transperonnelle des rêves,
Ed. Trismégiste, 1988, Boucher, Descamps, P. Weil
- L'amour transpersonnel,
Ed. Trismégiste, 1989, M-M. Davy, Descamps,de Vitray-Meyerovitch
- Les psychothérapies
transpersonnelles, Ed. Trismégiste,
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- Mystique et
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- Art et créativité,
Ed. Trismégiste, 1991, Descamps Marc-Alain, J. Donnars
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transpersonnelle, Ed. Trismégiste,
1993, J. de Coulon, Descamps, Dierkens, Fotinas
- Rowan John, The
Reality Game, RKP, London, 1983,
- Rowan John, The
Horned God, RKP, London, 1987,
- Rowan John, Ordinary
ecstasy Routledge, London , 1988,
- Rowan John, Subpersonalities,
Routledge, London, 1990.
Résumé
Est spirituel ce qui n'a pas une vision matérialiste
de l'homme ni du monde. Le transpersonnel prend la suite de
l'ancienne spiritualité religieuse, comme la psychologie
transpersonnelle étudie les états supérieurs
de conscience. Il en découle une nouvelle possibilité
de psychothérapie qui s'oriente vers les processus
de transformation spirituelle de l'homme et son ouverture
vers le Sacré.
Abstract
Spiritualist vision is the opposite of materialist
vision of man and world. Transpersonal is the continuation
of religious spirituality and transpersonal psychology study
hight states of consciousness. It follows a new possibility
of psychotherapy, leading toward process of spiritual transformation
of man and its opining to Holy.
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