Association Française du transpersonnel

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ARTICLES DE FOND
- Quest-ce que le Transpersonnel ?
- Histoire du Transpersonnel - Marc-Alain DESCAMPS
- Dépasser l'égo - DURCKHEIM
- La Spiritualité - Robert LINSSEN
- L'éveil - MARIE-MAGDELEINE DAVY
- Les leçons de sagesse - JEANNE GUESNE
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L'escalier des valeurs - Marc-Alain DESCAMPS
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De le nécessaire urgence d'une Recherche Intérieure - Dr. Jacques DONNARS
- De la Peur fondamentale qui nous sépare vers la sécurité - Dr. B. PERNEL
- Variété des expériences Transpersonnelles - Lucien ALFILLE
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Exercices de conscience - Colette ALBRECHT

- Corps, émotions et méditation - Dr Jacques VIGNE

ARTICLES D'ACTUALITÉ - Janvier 2008
- PERSONNEL, IMPERSONNEL ET TRANSPERSONNEL
chez Jacques VIGNE
- Marc Alain Descamps
- POUR ECHAPPER A LA VIOLENCE - V. Trémintin


HISTOIRE DU TRANSPERSONNEL

Par Marc-Alain DESCAMPS

Il existe bien des façons de répondre à la question "Qu'est-ce que le Transpersonnel ?". La plus simple est de donner son opinion (ou sa conviction si l'on y tient beaucoup). Mais il existe différents courants et diverses conceptions possibles du transpersonnel. Il nous semble que pour répondre de façon utile et tolérante, il vaut mieux reprendre l'histoire du mouvement transpersonnel. Le transpersonnel est à la fois un terme récent et une réalité très ancienne, car il s'ancre dans toute l'ancienne spiritualité.
Le mouvement transpersonnel a été fondé aux U.S.A. en 1969, mais fondamentalement il existait depuis des siècles dans tout le travail des mystiques d'Orient et d'Occident. On ne peut pas définir le transpersonnel sans reprendre l'histoire de la spiritualité en Occident, de même qu'on ne peut pas en rester à l'ancienne conception de la spiritualité sans préciser qu'elle débouche dans le Transpersonnel. Le Transpersonnel est une des voies les plus directes pour accéder à la spiritualité sans avoir l'obligation de passer forcément par une religion.

1. LA FONDATION AUX U.S.A.

Le transpersonnel est le dépassement de la notion de personne. Ce mot, employé par Emmanuel Mounier et le mouvement personnaliste dès 1947, a connu un succès universel dans les années 70 avec l'étude des états modifiés de conscience. Le terme de "transpersonnel" qui a été choisi en 1969 par Abraham Maslow et défini très précisément par lui dans ses livres et articles (1964, 1968, 1971).

Sa définition est simple et claire, sans aucune équivoque. Il commence par une étude des motivations humaines qu'il classe hiérarchiquement en cinq niveaux : physiologique, de sécurité, d'intégration, d'estime de soi et de réalisation de soi. C'est alors, qu'après une étude des expériences des sommets (peak-experience ), il découvre un sixième besoin, celui du dépassement de soi. Ce niveau supérieur regroupe toutes les expériences de dépassement de la personne humaine vers la Transcendance qu'il nomme un transpersonnel. Par delà le cinquième besoin d'actualisation de soi, se situe donc un besoin inaliénable de transcendance, le besoin d'une vie signifiante (value-life) qui, par delà les limites habituelles de l'identité humaine, pousse à se mettre au service des autres.

Ce niveau suprême est tellement important pour Maslow que l'on ne peut plus parler à son sujet de besoin ou de motivation, mais de métabesoins (metaneeds ) ou Besoin-Etre (Being-needs, B-needs ). Ce sont les besoins de Vérité, de Beauté ou de Transcendance, qui constituent donc l'expérience des Valeurs. Ce qui est le fondement et la base de la psychothérapie. Et de plus ceci constitue une nouvelle psychologie : la psychologie transpersonnelle. Elle est un dépassement de toutes les méthodes vouées à la réalisation de soi, à l'actualisation de la personne, au renforcement du moi, etc. (cinquième niveau). Ce sixième niveau, qui est celui du sacrifice et du dévouement dans la réalisation des Valeurs et non plus de réalisation de soi égoïstement, provoque un changement radical.

"Je considère que la psychologie humaniste, troisième force, a à être transitionnelle, une préparation pour une, encore plus haute, quatrième psychologie, transpersonnelle, transhumaine, centrée dans le cosmos plus que dans les besoins et intérêts humains, allant au-delà de l'humain, de l'identité, de l'actualisation du moi et du reste" (Toward a Psychology of Being, 1968, 128, III). On ne peut pas être plus clair. Pour Maslow la première psychologie était celle du comportement, la seconde la psychanalyse, la troisième la psychologie humaniste ou le mouvement du potentiel humain et la quatrième transpersonnelle.

En 1969, il fonde l'Association de Psychologie transpersonnelle avec Carl Rogers, Viktor Frankl, Antony J. Sutich, Stan Grof, Jim Fadiman ... et le Journal of Transpersonal Psychology, dont Antony J. Sutich sera le premier directeur de 1969 à sa mort en 1976. Ce premier mouvement est américain et lié aux psychologues.

Un second mouvement, s'ouvre bientôt au reste du monde et s'élargit hors de la psychologie, car le transpersonnel existe aussi en sociologie, économie, anthropologie, ethnologie, éducation, management, systémique, communication, éthique, écologie ... Ainsi se fonde l' I.T.A. (International Transpersonal Association) sous forme d'un réseau informel. Il a organisé des Congrès autour du monde : Islande 1972, Brésil, Finlande, U.S.A. 1979, Australie, Indes 1982, Suisse 1983, Japon 1985, U.S.A., Prague 1992, Irlande 1994, Brésil 1996.

Par leurs nombreuses publications se sont fait connaître du grand public Charles T. Tart, Ken Wilber et Stanislav Grof. Ce dernier est aussi le fondateur de la "respiration holotropique" et à partir de cette psychothérapie transpersonnelle d'une théorie sur les expériences péri-natales (avec les systèmes coex et les quatre matrices périnatales fondamentales). La psychologie transpersonnelle a acquis droit de cité dans les Universités aux U.S.A.. Il y a des cours ou un département dans bien des Universités d'Etat et de plus se sont fondées des Universités privées qui n'enseignent que le Transpersonnel, comme le Californian Institute of Integral Studies ou l'Institute of Transpersonal Psychology, etc.

2. LA PLACE DANS LE MONDE ET LE MOMENT DU TRANSPERSONNEL

Le mouvement transpersonnel est aussi bien implanté en Australie et Nouvelle-Zélande. Il commence à se fédérer en Amérique du Sud, au Canada ...

Les deux premiers tiers du vingtième siècle ont été, à la suite des précédents, marqués par le matérialisme scientifique et ses conséquences : l'impérialisme économique, les violences et les guerres destructrices. La science s'est lentement construite avec les dogmes de la seule quantification par Galilée, du mécanisme de Descartes et de la physique close de Newton. Le matérialisme est passé d'une précaution méthodologique dans l'expérimentation scientifique à une philosophie niant le rôle de l'esprit et cherchant à construire le monde à partir du hasard et de la nécessité (de Darwin à Monod). En expurgeant soigneusement toute orientation, toute finalité et tout sens, il n'a pu qu'aboutir à la philosophie de l'absurde de Sartre. Economiquement il a tout fondé sur l'intérêt et bâti le monde du profit à tout prix et du capitalisme égoïste. Même Freud et certains psychanalystes ont voulu réduire l'homme à ce qu'il y a de plus bas en lui : la sexualité et l'agressivité. Et ce monde matérialiste trouvait son fleuron dans la système communiste et son hégémonie colonialiste qui se répandait de plus en plus. Ce colosse aux pieds d'argile s'est écroulé brutalement dans un fiasco généralisé : économique, écologique, tribal et humain. Ses peuples asservis et opprimés n'ont plus d'âme. Et face aux efforts d'entente, d'union et d'entraide des peuples libres qui ont un idéal commun, nous voyons son résultat : la montée des forces séparatistes et désagrégeantes dans les égoïsmes tribaux de la "purification ethnique". Face à ces fixations et ces inhibitions, les forces de progrès jouent dans le sens d'une libération et d'une ouverture sur les Valeurs de l'avenir.

La rupture avec cette ancienne mentalité s'est produite en réalité aux deux tiers du siècle avec l'année des Hippies (6 octobre 1966- 7 octobre 1967) dont sont sortis tous les mouvements de 1968 et le renouveau qui en est résulté. La faille dans la science avait été créée par la révolution d'Einstein (théorie de la relativité 1905), d'Heisenberg (principe d'incertitude 1930) et de Max Planck (théorie des quanta). De nouvelles théories contre un monde conçu comme formé d'objets séparés apparaissent soudain : le bootstrap de Geoffrey Chew (1968), l'ordre impliqué de David Bohm, la théorie des catastrophes de René Thom, la théorie holographique du cerveau de Karl Pribram (1968), les structures dissipatives d'Illya Prigogine (1977), la théorie du Big-Bang , la causalité morphogénétique de Rupert Sheldrake, Gaïa, terre vivante de James Lovelock (1972), les matrices périnatales de Stanislav Grof (1969)... L'ensemble s'articule selon un nouveau paradigme scientifique qui, à l'opposé de l'ancien, a une vision spiritualiste. Le monde, qui n'est pas formé d'objets matériels séparés, est une structure énergétique fluide, comme notre corps. Il y a une unité sous-jacente entre l'homme et l'univers et une Conscience-Energie est à l'oeuvre dans l'univers.

Tout repose donc sur la Conscience qui reste encore à étudier. La conscience est la donnée première de notre esprit qui permet de se rendre compte et de faire attention. Elle se présente avec des degrés en moins (le sommeil, l'ivresse, le subconscient et l'inconscient...) et avec une amplification dans le surconscient (états non ordinaires et expansion de conscience). La grande révolution a été l'apparition dans les années 60 des psychothérapies humanistes et transpersonnelles. Grâce à elles, il est possible d'échapper aux conditionnements de sa naissance, de son enfance et de son éducation. On régresse jusqu'à l'origine et l'on reconstruit sa personnalité et sa vie sur de nouvelles bases en se donnant la chance d'une seconde vie. Ainsi par la psychologie l'homme peut échapper à ses liens (névrose, phobies, obsessions, mal-être) et se libérer. De plus les psychothérapies transpersonnelles permettent d'accéder à une dimension intérieure non encore explorée, celle du sacré ; elles retrouvent les médecines du sacré des peuples primitifs et les techniques corporelles utilisées pour atteindre à l'expérience mystique. Tout est maintenant centré sur le voyage intérieur jusqu'au fond de soi-même, l'exploration de la méditation et des expériences d'expansion de conscience et d'Eveil.

L'ensemble offre une nouvelle vision du monde, de l'homme et de la science. Ainsi se constitue un Univers où tout est relié. L'homme n'est plus seul et perdu dans un monde matériel froid, hostile et absurde. La racine de l'aliénation était pour nous dans l'opposition de l'âme et du corps et la haine du corps qui en était résultée. Tout était lié, le refus de son corps menait l'homme à l'oppresser et à opprimer également la nature, les animaux, les femmes, les enfants, les peuples non-industrialisés, les individus non-économiquement rentables, etc. Par la réconciliation avec son corps et l'acceptation de sa nudité, l'homme a pu échapper à 2.500 ans de honte du corps et de culpabilité. Et par conséquent en s'acceptant mieux, il a pu admettre la libération des femmes, la décolonisation, la reconnaissance des droits des enfants et des animaux, la protection de la nature et l'écologie... C'est désormais l'amour de la nature qui remplace l'impérialisme et la guerre.

La tache la plus urgente du XXIème siècle nous paraît donc être l'exploration de la conscience et des états supérieurs du surconscient. Par là, on découvrira des moyens encore plus efficaces de libération et de réforme de sa vie. Freud n'a exploré que l'inconscient et les procédés psychanalytiques de transformation des pulsions les plus basses. Il reste à découvrir toute la psychanalyse d'élévation. Ses opérations de sublimation et de métanoïa étaient utilisées dans les voies traditionnelles de l'Orient : Yoga, Taï-Chi, Zen, Soufisme, Lamaïsme, Chamanisme... Des techniques commencent à être reconnues : relaxation, immobilité, isolation sensorielle, hyperventilation, mantras, mandalas, chakras, Kundalini, énergie corporelle, expansion de conscience, pensée positive, visualisation créatrice, sublimation... Une psychanalyse spiritualiste est en train de se construire, elle met en oeuvre toutes les opérations des hauteurs comme la sublimation, la valorisation, la métanoïa, la métamorphose ... Surtout elle est fondée sur les attracteurs et non plus comme avec Freud sur les seules pulsions.

Après elles pourront être appliquées à l'individu, puis aux groupes et à la société avec les eidolons ou images-forces collectives, dont le maniement permettra une réforme globale de l'humanité. Le Holisme fait maintenant comprendre que rien n'est séparé et indépendant. Nous sommes en train de nous rendre compte de la constitution de la psychosphère ; non seulement la terre fonctionne comme un seul être vivant, mais la pensée humaine s'est unifiée. Grâce au réseau des communications ultra-rapides qui s'est établi (TV. fax, ordinateurs, Internet, autoroutes de l'information ...) rien de ce qui est humain ne nous est plus étranger. Une double force tire l'humanité, à la fois vers son unification mondiale et à la fois vers son enracinement dans le régionalisme.

L'accès au surconscient se réalise de plus en plus par des expériences diverses (mystiques, transpersonnelles, dialogue avec l'ange, Findhorn, rêve lucide, voyages à l'orée de la mort, expériences périnatales...). Elles provoquent une mutation, une véritable métanoïa. Et ce passage au niveau du supramental est le parachèvement de l'évolution, selon ce qu'avaient prévu Aurobindo, Teilhard de Chardin, Gurdjief, Krisnamurti. Il était temps, car sinon l'humanité allait se détruire dans l'horreur d'une troisième guerre mondiale et l'apocalypse nucléaire.

Les nouvelles valeurs du vingt-et-unième siècle qui sont en train de s'établir doivent beaucoup à l'inspiration de la spiritualité et de ses techniques, remplaçant ou revivifiant les anciennes religions. Mais elles proviennent aussi des femmes : après le matriarcat primitif et les civilisations patriarcales, la nouvelle civilisation sera féminine. Les femmes sont sorties de la reproduction, dans laquelle on les enfermait, pour entrer dans la production, l'industrie, la science, l'art, la culture et la politique. Elles apportent partout de nouvelles valeurs féminines. D'abord l'amour de la vie : puisqu'elle la donne et l'engendre longuement, la femme ne peut pas l'ôter et elle n'est pas un tueur comme l'homme. Partout ce sont elles qui protestent contre les violences, les tortures et les guerres. Elles contribueront à un monde fondé sur la négociation, la diplomatie et la coopération et non plus sur la guerre. La virilité, c'est la force, la bagarre, le culte du biceps et la partie de bras de fer ; au contraire, la femme est souple et patiente par nature, elle sait attendre, biaiser, céder pour revenir au moment favorable. Ce sont aussi les femmes qui ont inventé l'amour avec les Cours d'amour en Occitanie et les Béguines en Flandres au XIIIème siècle et elles l'ont imposé aux hommes plus intéressés par la simple sexualité (viol, inceste, harcèlement sexuel). La spiritualité et la mystique sont aussi des valeurs féminines, ainsi que l'affectif, l'imaginaire, le monde des sentiments et la sensibilité à ce qui n'est pas uniquement rationnel.

Un sens éthique est en train de se faire jour partout (la valorisation). Cela a commencé avec la prise de conscience de la destruction systématique de la nature et la mise en place d'une Ethique écologique, qui imprègne profondément tous les jeunes. Puis s'est constituée une éthique médicale et biologique, face aux dangers et atteintes à la santé et à la vie. Les nations sont profondément secouées lorsque s'installe une éthique industrielle, des affaires, des banques, de la Bourse ... surtout lorsque commence à s'étendre au monde politique. Le plus extraordinaire est la lente mise en place progressive d'une éthique de la guerre, avec l'apparition des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité ; même dans ce monde de la force sans droit voici que l'exigence éthique se fait jour.

Nous assistons stupéfaits depuis 1968 à des changements sociaux imprévisibles et ceci constitue la seconde Renaissance qui prépare l'entrée dans l'ère du Verseau. Notre devoir est de contribuer de toutes nos forces à cette mutation spirituelle de l'humanité. Pour cela nous devons nous grouper autour des pôles d'ouverture et de transformation orientés vers l'Avenir. Le mouvement transpersonnel est l'un d'entre eux.

3. LA PSYCHOLOGIE TRANSPERSONNELLE EUROPEENNE

La psychologie transpersonnelle est en Europe bien antérieure à la création du mouvement transpersonnel. Elle s'origine dans la longue tradition des mystiques grecs depuis Plotin, Proclus, Jamblique et le Pseudo-Denys l'Aéropagite, puis se développe avec l'école anglaise (Le nuage d'inconnaissance ), allemande (d'Hildegarde de Bingen aux Béguines jusqu'à Maître Eckhart et son école : Suso, Tauler, Jacob Boehme, Angélus Silésius...), espagnole (Ibn Arabi et les soufis d'Andalousie, Jean de la Croix et Thérèse d'Avila), italienne (les Fioretti , Catherine de Sienne), grecque (Hésychasme et mont Athos), russe (Séraphim de Sarov) et française (Marguerite Porette, François de Salle, Madame Guyon, Thérèse de Lisieux)...

La psychothérapie transpersonnelle est à ses débuts une construction typiquement européenne avec le suisse C.-G. Jung (qui utilisa le premier le terme de überpersonlisch en 1916), l'italien Roberto Assagioli et la psychosynthèse, les français Robert Desoille et le rêve-éveillé ou Pierre Weil et le cosmodrame, l'autrichien Victor Frankl et la logothérapie, l'allemand Graf Dürckheim et la thérapie initiatique ... Jung (1875-1961) s'est très tôt rendu compte des limitations de Freud, incapable d'expliquer ce qu'il y a de plus élevé en l'homme à partir de ce qu'il a de plus bas. Et il a pensé que la clé des perturbations se trouvait dans l'échec à se relier à ce qu'il a de plus haut. La réconciliation avec le meilleur de soi-même et son processus de croissance intérieure peut se faire lors d'une expérience du Sacré (ou numen ) : "Le fait est que l'approche du numineux s'avère être la thérapie essentielle ; dès que l'on parvient à l'expérience numineuse, on se trouve libéré du joug de la maladie". Le fondement des psychothérapies transpersonnelles se trouve dans cette découverte.

Roberto Assagioli (1888-1974) a été un ami de Jung et de Desoille et a mis au point la "Psychosynthèse" dans la même orientation transpersonnelle : "Le but ultime de la psychosynthèse est celui d'amener le sujet à prendre conscience du Soi transpersonnel". Mais cela doit avoir été préparé par une psychosynthèse personnelle où l'on a renoué avec le processus de croissance ou d'auto-réalisation et intégré ses différentes sub-personnalités.

Robert Desoille (1890-1966) fonde la méthode du Rêve-éveillé, une thérapie qui permet d'avoir des rêves sans dormir allongé sur le divan. Ils peuvent se faire à différents niveaux et lorsque s'installe un état supérieur de conscience, on obtient un rêve mutatif qui, grâce à un contact avec la dimension du sacré, permet une transformation de la personnalité et une liquidation des difficultés.

Le travail du transpersonnel a été longuement préparé en France par des femmes inspirées comme Marise Choisy, Lilian Silburn, Marie-Madeleine Davy, etc. Marise Choisy, sous l'influence de la pensée hindoue et du Yoga, a été une des premières à ouvrir une école de méditation, à publier livres et articles sur la spiritualité et à fonder avant sa mort une Alliance mondiale des religions. Lilian Silburn (1908-1993), après de longs séjours aux Indes, est devenue la grande spécialiste du Shivaïsme du Cachemire dont elle a traduit de nombreux textes et a dirigé la revue Hermès qui a produit des contributions remarquables sur les voies de la mystique, le Maître, le Vide, le Zen. Marie-Madeleine Davy, après des études sur la symbolique romane, a eu une action considérable d'animation (au sens de donner une âme) dans des séries de conférences inspirée où elle donne l'expérience de ce qu'est l'éloquence sacrée. Elle a abouti au transpersonnel à travers les thèmes des mystiques sur le voyage, le désert, l'oiseau, la montagne ...

Pir Vilayat Inayat Khan, leader de l'Ordre Soufi Universel, par ses enseignements et ses pratiques de méditation et de retraite, a eu une influence considérable dans toute l'Europe depuis 1964.

En 1987 quatre pays (Belgique, France, Italie, Pays-Bas) ont fondé en France EUROTAS (European Transpersonal Association). Puis s'y sont joints l'Allemagne, le Royaume-Uni, la Suisse, l'Espagne, la Suède, la Norvège et bien des pays de l'Est Pologne, Croatie, Hongrie, Russie ... Des Congrès européens ont eu lieu Bruxelles 1984, Strasbourg 1990, Londres 1994, Varsovie 1997. Eurotas publie une Newsletter en anglais.

L'originalité de la pensée transpersonnelle européenne se continue par le travail de l'école italienne (Laura Boggio Gilot, Anna-Maria Turi), allemande (Elizabeth Philipov, Edith Zundel), anglaise (Jan Gordon-Brown, John Rowan), espagnole (Almendro, Rodriguez) , française ...

Laura Boggio Gilot définit le transpersonnel comme le dépassement de la pensée duelle, vers l'état non-mental et l'Un sans second. Sa conception du Soi transpersonnel s'origine dans le Védanta. Elle lie le Transpersonnel avec la notion de Service et de dévouement désintéressé.

John Rowan distingue quatre positions dans la croissance spirituelle : le moi mental, le soi individuel, l'âme et l'esprit. Il insiste pour bien distinguer les trois premiers niveaux qui restent personnels et volontaires allant jusqu'aux expériences des sommets de Maslow et le quatrième (celui du Soi causal) qui est l'état de dépassement de la notion de personne atteint par les mystiques de tous les pays.

Manuel Almendro considère que le transpersonnel n'est pas une simple théorie ou connaissance, mais qu'on ne peut y accéder qu'à travers une pratique et un processus de formation qui prend en compte les trois niveaux du corps, du mental et de l'esprit.

En France le Transpersonnel s'est fait connaître avec l'invention des psychothérapies par le corps et de la psychologie humaniste. Dès 1972 dans le cadre de l'Association française de psychologie humaniste a existé une section de psychologie transpersonnelle. C'est à partir d'elle, qu'à la dissolution de cette association, s'est fondé en 1985 l'Association française du Transpersonnel. En organisant un Colloque par an ont pu être rassemblés les différents courants qui se font jour en France.

Dans Qu'est-ce que le Transpersonnel ? Marc-Alain Descamps a pu tracer une cartographie de ce champ par quatre cercles concentriques. Au centre se situent les pratiquants des voies mystiques traditionnelles d'Orient et d'Occident que le Transpersonnel étudie et dont il cherche à faire la jonction (yoga, zen, bouddhisme tibétain, soufisme, chamanisme, hésychasme...). Puis viennent les différentes psychothérapies transpersonnelles avec la respiration holotropique de Grof, le rêve-éveillé, la psychanalyse spiritualiste, etc. Le troisième cercle est formé par tous les scientifiques qui sont venus rejoindre le nouveau paradigme transpersonnel et leur lecteurs (Capra, Pribram, David Bohm, Charles Tart, Rupert Sheldrake... et en France Stéphane Lupasco, Olivier Costa de Beauregard, Jean Charon, Bernard d'Espagnat, Basarab Nicolescu, René Thom, Thérèse Brosse, Hubert Reeves ...). Le dernier cercle extérieur correspond à l'étude et l'expérience des états non-ordinaires de conscience et sur ses confins à l'ésotérisme, l'alchimie, l'astrologie, les guérisseurs, la parapsychologie, etc. La thèse centrale de Descamps est qu'au transpersonnel horizontal (échange de personne à personne qu'il vaut mieux appeler "interpersonnel") il faut ajouter le transpersonnel vertical (le passage de l'égo au Soi, la spiritualité, la vie mystique, la rencontre du sacré ou du divin). Il ne faut pas confondre le Transpersonnel avec la parapsychologie ou le New Age. Lucien Alfillé a fait l'étude des variétés des expériences transpersonnelles.

Dans La révolution transpersonnelle des rêves il reprend l'étude des rêves lucides, des songes de pouvoir et des visions de vérité qu'il avait abordé dès 1972 dans La maîtrise des rêves. Christian M. Bouchet montre combien c'est une situation de conscience accrue et Pierre Weil étudie la transformation des rêves dans son expérience de la retraite tibétaine de trois ans.

L'amour transpersonnel montre comment l'amour s'est inventé en Occitanie chez les troubadours avec le pur amour (Fin Amor) à partir de l'amour cathare. Mais ce seront les Béguines des Flandres qui vont en faire l'application à l'amour divin avec Marguerite Porette, Béatrice de Nazareth et Hadewijch d'Anvers. Marie-Madeleine Davy et Jean-Yves Leloup montrent bien comment ce sont ces femmes persécutées qui ont inventé les concepts que va reprendre Maître Eckhart. La véritable amour est généreux et désintéressé, il donne au lieu de réclamer.

Mystique et Transpersonnel va détailler comment le mouvement transpersonnel s'origine dans la recherche des mystiques avec les travaux d'Elisabeth Andrès sur l'hindouisme, de Pir Vilayat Khan sur le soufisme et de Jampa Tarchin sur le Bouddhisme tibétain. Ceci avait été préparé par l'oeuvre considérable de Lilian Silburn sur le bouddhisme ou de Eva de Vitray-Meyerovitch sur les Soufis.

Dans Les psychothérapies transpersonnelles Marc-Alain Descamps fournit une nouvelle métapsychologie de la psychanalyse spiritualiste avec un quatrième niveau de conscience qui est le surconscient et une quatrième instance qui est le pôle de réalisation. Une pulsion de réalisation nous mène par un processus vers ce pôle qui joue le rôle d'attracteur global. Le moment essentiel d'une cure est dans l'expérience mutative ; elle s'établit par la rencontre du sublime. Ceci va engendrer la transformation que l'on peut envisager aux trois niveaux de la sublimation, de la métanoïa, de la valorisation et de la métamorphose. La sublimation est l'orientation vers et par le sublime ou la transparence de l'infini, la métanoïa est la découverte de l'âme au-delà du mental, la valorisation est la mise au service désintéressée des valeurs et la métamorphose est le changement d'identification qui passe de l'égo au Soi. Ainsi se constitue une psychanalyse d'élévation ou d'émergence.

L'art est pour le transpersonnel un domaine d'élection. Le chef d'oeuvre est ce qui émane du Soi et non de l'égo de l'artiste et dont la contemplation éveille le Soi du spectateur. Il est de plus ce qui engendre la créativité comme le montre René Huyghe dans Art et créativité .

Enfin le transpersonnel se complète en renouvelant la visée éducative. Une société se fonde toute entière sur sa conception de l'enfance et Marc-Alain Descamps demande que l'on distingue l'enfant d'En-Haut, relié aux Sources, de l'enfant d'en-bas, prisonnier de ses complexes. L'éducation transpersonnelle est déjà en marche dans les réalisations présentées pour la Belgique par Christine Dierkens, la Suisse par Jacques de Coulon et le Québec par Constantin Fotinas.

4. LE DEBAT ACTUEL

La fondation en 1994 de l'Association internationale de Psychiatrie spirituelle lors du premier Congrès sur "La Méditation en Psychothérapie " à Lyon (France) a été l'occasion d'une vaste rencontre et d'une grande confrontation. De même l'organisation en septembre 1995 du Symposium international à la Sorbonne à Paris sur Le Spirituel, pluralité et unité a rendu possible une rencontre de divers courants et une prise de conscience des dangers qui menacent le transpersonnel.

Avec le succès du transpersonnel vers 1990, le terme de "trans" est devenu à la mode et l'on en a parlé à tout propos et hors de propos. Tout est devenu "trans" : transdisciplinaire, trans-mutation, transgénérationnel, transfonctionnel, transactionnel, transconscient, transculturel, transrelationnel, transparadoxal ... On se demande parfois si cette pléthore n'est pas un moyen dissimulé pour noyer la spécificité du transpersonnel dans le flou et la banalisation, sans avoir besoin de le nier. De plus, on peut affecter de le confondre avec la transe et essayer de le discréditer en le rapprochant de son contraire par un jeu de mot assassin, en disant que "le transpersonnel n'est qu'une transe-personnelle". Alors que c'est exactement le contraire : on y garde la conscience et il n'y a plus rien de personnel.

Le Transpersonnel risque d'être confondu avec le personnel, la parapsychologie, le New age , et la religion. Les débats portent donc sur le rôle et la place du développement personnel (préalable ou concomitant) et des voies traditionnelles face aux expériences sauvages. Au niveau européen, il a fallu d'abord faire admettre la dimension éthique et morale du Transpersonnel par tous ceux qui ne rêvaient encore que de drogue et de pouvoirs paranormaux. Maintenant semble admise une vision large du transpersonnel, qui ne peut jamais être confondu avec une seule de ses composantes (respiration holotropique de Grof, psychosynthèse, yoga, sophrologie, etc), ni avec un dialogue inter-religieux.

Le pire est qu'en 1996 le mot "transpersonnel" commence à être à la mode et abusivement utilisé par bien des personnes qui n'en ont jamais entendu parler ou proposent exactement son contraire, en particulier du "développement personnel".

CONCLUSION

Finalement se dégagent quelques positions européennes originales :

1. Il convient de définir et transmettre le transpersonnel avec précision et rigueur, pour éviter toutes les accusations d'éclectisme et de syncrétisme, et toutes les confusions avec les mouvements apparentés (holiste, "new age ", psychologie humaniste, développement personnel, etc.) et les exploitations commerciales qui vont avec.

2. Le transpersonnel n'est pas un ensemble de techniques volontaristes produisant automatiquement leur effet (caisson d'isolation, transe, phosphénisme, lunettes dreamlight ...) qui ne font, au contraire, que gonfler l'égo.

3. Le modèle du transpersonnel se trouve dans l'expérience des mystiques de toutes les religions. Ce courant religieux est celui qui, en Europe, a été préféré au chamanisme, trop peu implicateur et centré sur les "pouvoirs".

4. Les expériences transpersonnelles (peak-experience de Maslow) ne sont pas à confondre avec l'état transpersonnel obtenu par les mystiques ou le travail continu dans une voie traditionnelle. Ces expériences spontanées sauvages, de par leur manque de préparation, sont plus un obstacle qu'une aide.

5. Aucune méthode de psychothérapie n'est en droit d'usurper le titre de "transpersonnelle" ou de se l'annexer. On ne peut parler que de psychothérapie d'inspiration transpersonnelle. Par contre dans certaines méthodes (il y en a une dizaine) et surtout avec certains psychothérapeutes, formés à la lecture de l'inconscient et du surconscient, il y a plus de chance que l'on atteigne le niveau du transpersonnel, en cessant de s'identifier à sa petite personne.

REFERENCES

- Almendro Manuel, Psicologia y psicoterapia transpersonal , Barcelona, Kairos, 1995
- Boggio Gilot Laura, Forma e sviluppo della coscienza, A. Vidya, Roma, 1987
- Boggio Gilot Laura, Il Se transpersonale, Roma, 1991
- Qu'est-ce que le Transpersonnel ?, Ed. Trismégiste, 1987, Alfillé, Descamps, Nicolescu
- La révolution transperonnelle des rêves, Ed. Trismégiste, 1988, Boucher, Descamps, P. Weil
- L'amour transpersonnel, Ed. Trismégiste, 1989, M-M. Davy, Descamps,de Vitray-Meyerovitch
- Les psychothérapies transpersonnelles, Ed. Trismégiste, 1990, Cazenave, Descamps, Filliozat.
- Mystique et Transpersonnel, Ed. Trismégiste, 1991, Andrès, Descamps ,Pir Vilayat, Tarchin
- Art et créativité, Ed. Trismégiste, 1991, Descamps Marc-Alain, J. Donnars et René Huyghe
- L'éducation transpersonnelle, Ed. Trismégiste, 1993, J. de Coulon, Descamps, Dierkens, Fotinas
- Rowan John, The Reality Game, RKP, London, 1983,
- Rowan John, The Horned God, RKP, London, 1987,
- Rowan John, Ordinary ecstasy Routledge, London , 1988,
- Rowan John, Subpersonalities, Routledge, London, 1990.

Résumé

Est spirituel ce qui n'a pas une vision matérialiste de l'homme ni du monde. Le transpersonnel prend la suite de l'ancienne spiritualité religieuse, comme la psychologie transpersonnelle étudie les états supérieurs de conscience. Il en découle une nouvelle possibilité de psychothérapie qui s'oriente vers les processus de transformation spirituelle de l'homme et son ouverture vers le Sacré.

Abstract

Spiritualist vision is the opposite of materialist vision of man and world. Transpersonal is the continuation of religious spirituality and transpersonal psychology study hight states of consciousness. It follows a new possibility of psychotherapy, leading toward process of spiritual transformation of man and its opining to Holy.


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