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Corps,
émotions et méditation - Dr
Jacques VIGNE
ARTICLES D'ACTUALITÉ - Janvier
2008
-
PERSONNEL,
IMPERSONNEL ET TRANSPERSONNEL
chez Jacques VIGNE -
Marc Alain Descamps
-
POUR
ECHAPPER A LA VIOLENCE -
V. Trémintin
Corps, émotions et méditation.
par
le Dr Jacques Vigne
Depuis vingt ans que je suis en
Inde, dont plus de deux ans et demi en ermitage, j’ai
pu expérimenter de nombreuses manières de pratiquer.
Pour ceux qui veulent développer de bonnes bases en
méditation, il est important d'avoir une idée
très claire du rapport entre le corps, les émotions
le mental. Pour cela, des méthodes inspirées
par vipassana, la claire vision intérieure des bouddhistes,
sont très utiles. On peut recevoir également
une grande aide en ayant une notion pratique du corps subtil
selon le Yoga et des correspondances que celui-ci établit
entre les différentes parties de l’organisme
...
Nous avons déjà évoqué
le fait que certaines parties du corps se correspondaient
préférentiellement dans l'expérience
de méditation.; ce fait est dû en général
à une analogie de forme ou de position, souvent des
deux, ce qui a pour résultat que quelque part dans
le cerveau, ces deux structures sont traitées en même
temps. Nous appelons ce genre de correspondance vécues
entre les parties du corps isomorphies. c'est une notion qui
n'est pas sans rapport avec les homologies du Dr Francis Lefébure
(cf « Les homologies » le Courrier du livre, 1949,
1978) on peut y voir aussi une résonance morphique
interne, pour reprendre la notion de résonance morphique
de Rupert Sheldrake ( Une nouvelle science de la vie, 1985
et La mémoire de l'univers, 1988 au Rocher). Ces correspondances,
ces résonances en réseaux à l'intérieur
du corps -on pourrait parler de « résomorphies
»- sont ce qui donne leurs formes entre autres aux émotions.
Nous avons déjà mentionné que ces réseaux
peuvent soit aider soit gêner la pratique selon qu'elles
contribuent au non à une posture juste. Pour être
concret, prenons l'exemple du nez : on peut dire qu'il correspond
au tronc, à ce moment-là le septum nasal évoquera
le périnée, les ailes des narines les hanches,
l'arête du nez la colonne vertébrale, (il y a
inversion entre l’avant et l’arrière, mais
cela ne gêne par le processus d’isomorphie, pas
plus que les différences de taille). L'ensellure turcique
correspondra au cou, et la partie au-dessus de la racine du
nez à la zone des yeux, c’est d’ailleurs
la localisation du troisième oeil.
Si l'on prend la poitrine par exemple,
la partie en dessous des seins sera reliée au bassin,
et le haut du sternum plutôt au front. Le sacrum, quant
à lui, avec sa forme de triangle à pointe inférieure,
se projette facilement au niveau des omoplates, et on pourra
le visualiser également au milieu du front. Sa pointe
inférieure se confondra alors avec la racine du nez.
Ce genre de correspondances permet de faire circuler l'énergie
bien plus aisément, par exemple de la faire monter
du sacrum au front via les omoplates. L’énergie
du sacrum n'est pas automatiquement sacrée, mais avec
ce processus, on la rend telle. Cela est une partie de travail
de montée de la koundalinî.
Celle-ci utilise aussi une autre
groupe de correspondances dans la pratique de la posture de
siddhâsana. Le talon d'un des pieds est contre le périnée,
celui de l'autre à la racine de l'organe sexuel, et
on pratique en même temps la khechârî moûdrâ
avec la pointe de la langue retournée vers la luette
à la racine du palais. On appelle d'ailleurs celle-ci
en sanskrit talu-mulam, ce qui a ce sens de "racine du
palais" ; le talon quant à lui est nommé
pada-mulam, la "racine du pied", et dans la posture
de siddhâsana, on mène celle-ci vers mûlâdhâra,
littéralement la base de la racine, au niveau du périnée.
Ainsi, dans cette posture, on a aligné dans une même
méditation verticale cinq "racines" : les
deux talons, la racine du corps, la racine de l'organe sexuel,
et celle du palais. Ces formes de structures analogues servent
d’attracteurs à distance, entrent en résonance
les unes avec les autres et favorisent l'ouverture des canaux
d’énergies, des courants de sensations qui les
relient.
Les isomorphies jouent un rôle
important aussi, à mon sens, pour donner un début
de compréhension des réflexes dont on se sert
pour les traitements d'acupuncture. Par exemple, le point
ro-kou, nom qui signifie "le fond de la vallée",
se trouve à l'extrémité de cette vallée
que forme le premier et le second métacarpien. Il est
utilisé pour soigner les douleurs des molaires et dents
de sagesse. Quand on réfléchit, il y a correspondance
de forme, isomorphie entre la pince que forment le pouce et
l’index et celle que forment mâchoire supérieure
et mâchoire inférieure. Il n'est pas étonnant
alors que le "fond de la vallée" soit relié
au fond de la pince mandibulaire, c'est-à-dire les
dents de sagesse et les molaires.
Au niveau de la main toujours,
le troisième doigt, par sa position médiane,
sera relié à la colonne vertébrale. Si
en particulier la main est levée, la dernière
articulation inter-phalangienne correspondra à la nuque,
l'ongle à l'occiput et le bout du doigt au sommet de
la tête. Il faut bien comprendre que ces isomorphies
ne sont pas univoques, elles peuvent varier selon la position
des parties mobiles, mains, pieds par exemple. Il existe une
isomorphies qui est bien connue maintenant en réflexologie,
c'est la projection de tout le corps dans une partie donnée,
par exemple l'homonculus inversé au niveau du pavillon
de l'oreille qui rend possible l'auriculothérapie,
et la projection du corps au niveau de la plante du pied qui
rend possible la réflexologie plantaire. Il y a un
autre homonculus dont on se sert en Yoga, en particulier dans
les pratiques de Kriya-Yoga : Lahari Mahashay, le fondateur
de la forme moderne du Kriya-Yoga, l'appelle angushta purusha,
l’homme (purusha) pouce (angushta). En pratique, on
se représente dans la zone médiane du front
son propre corps vu de dos et ayant la dimension d'un pouce.
Cette visualisation favorise la transmutation de l'énergie,
que ce soit celle des sensations venant du corps ou l’énergie
du son qui vient de la base de celui-ci grâce au travail
du Om. Rien n'empêche de poursuivre cette ascension
de l'énergie en se représentant dans le front
de "l'homme-pouce" un autre "homme-pouce"
plus petit et ainsi de suite …
Une base d'association, d’isomorphies
importante dans la posture de méditation la plus classique
est tout simplement la rencontre des deux pouces quand les
deux mains sont posées l'une sur l'autre. Elle sert
de structure de cristallisation aux expériences de
rencontre dans l'axe central de courants de sensations venant
de la gauche et de la droite. Quels que soient les points
du plan sagittal où l’on veuille faire se rencontrer
les courants de sensations gauche et droite, visualiser ces
points comme tenus entre les deux pouces permet de favoriser
le processus de confluence des courants. Les dernières
phalanges des pouces sont comme deux gouttes d'eau, quand
elles se touchent, elles ont une tendance naturelle à
rentrer en coalescence. Les pouces qui se rencontrent au-dessus
des mains dessinent une sorte de sphère qui évoque
l'unité de l'être originel : on se souviendra
par exemple que pour Platon, l'être originel était
sphérique. Il n'est pas si étonnant que les
états intérieurs, par exemple ici l'expérience
d'unité, puissent se manifester dans les mains. Le
mot même mani-fester ne comprend-il pas le mot main
?
L'expression des enfants qui ne
veulent plus jouer est intéressante. Il disent : "pouce,
j'arrête!" Quand on réunit les deux pouces
dans une même horizontale, c'est comme si tous les couples
d'enfants qui se disputent en nous, les polarités qui
semblent parfois irréconciliables, disaient tout d'un
coup : "pouce, je ne joue plus !" En acupuncture,
les pouces sont reliés au méridien du poumon.
Garder les pouces dans une position médiane peut être
ainsi rapproché d'un désir de respiration équilibrée,
entre le haut et le bas des poumons, et entre l'avant et l'arrière
dans la dilatation thoracique. L’émotions perturbatrice
reliée aux poumons par les chinois est la tristesse
; elle est en général liée à un
sentiment de solitude. Si les deux pouces "solitaires"
se retrouvent, la solitude disparaît, et la tristesse
s’en va. L'étonnant, c'est que cela marche effectivement
ainsi : quand on a l'habitude de cette pratique, elle donne
immédiatement une joie qui est celle de l'union.
L'enfant a tendance à sucer
son pouce pour se calmer, se rassurer, et évidemment
se rappeler la présence du sein et de la maman qui
l’a nourri. La réunion des deux pouces évoque
aussi la fusion enfant-mère - il suffit d'associer
un côté à l'enfant et l'autre à
la mère, mais en se dégageant de la dépendance
orale. La sécurité provient alors d'un équilibre
intérieur entre gauche et droite c'est-à-dire
entre toutes les polarités de l'individu. Quand on
voit les choses profondément, on peut en plus établir
un lien entre le contact des pouces et la récitation
du mantra : dans les deux cas, une association de départ
à la satisfaction orale (langue dans le cas de la récitation,
ou pouce dans la bouche) est transformée en expérience
spirituelle. Le petit doigt est associé à une
certaine superficialité - on caricature par exemple
quelqu’un de snob en se le représentant en train
de prendre sa tasse de thé avec le petit doigt levé.
Peut-être est-ce dû à la structure fragile
ou à sa situation externe quand la main est en position
de pronation. En tous les cas, par opposition, le pouce est
plus facilement associé à une notion de profondeur
et de force.
Dans la tradition de l'Inde, il
y a un chakra secondaire au centre de la paume, comme une
fleur qui s'ouvre vers le ciel quand les mains sont en position
de méditation. Cette fleur cherche naturellement le
Soi à la manière du tournesol qui cherche le
soleil. L'axe central du corps est également une tige,
dont la fleur serait le cerveau. Celui-ci est aussi comme
un tournesol qui cherche le soleil du Soi.
Si l'on s’intéresse
maintenant des isomorphies, des homologies qui vont au-delà
du corps, on peut continuer sur cette comparaison de la fleur.
Francis Lefébure faire remarquer à juste titre
que la forme de la colonne vertébrale elle-même
correspond à la disposition des feuilles dans une plante
habituelle : d'abord petites, elles deviennent assez rapidement
très grandes et diminuent de nouveau jusqu'au sommet,
pour devenir d'une taille minimale au niveau des sépales
juste sous les pétales, dessinant si à peu près
une pointe de lance. Cela évoque l'augmentation de
taille des vertèbres sacrées jusqu'à
la cinquième lombaire, la diminution progressive des
corps vertébraux jusqu'à l’atlas et à
l'épanouissement de cette fleur qu’est le cerveau.
Il y a des correspondances inversées entre la plante
et le corps humain qu’il vaut la peine de relever :
la plante se nourrit par les racines, en particulier par d'innombrables
radicelles directement en contact avec la terre, et respire
par les feuilles. Ces organes de respiration et de nutrition
sont donc à l'extérieur, alors que chez l'homme,
les poumons et les villosités intestinales qui évoquent
les radicelles sont ce qui il y a le plus à l'intérieur.
L’évolution naturelle semble vouloir nous dire
que pour en venir à l'être humain, un processus
d’intériorisation est nécessaire. De même,
dans la plante, la nutrition est en bas alors que la reproduction
est en haut, au niveau de la fleur, avec le pistil, les étamines
et le pollen. A l'inverse, chez l'homme, la fonction de nutrition
est en haut avec la bouche, alors que celle de reproduction
est en bas. Nombreuses sont les traditions ésotériques
qui ont remarqué que l'être humain était
une plante inversée qui a ses racines dans le ciel
d'où il retire une sève de lumière.
Pour continuer avec des images
"éclairantes", on pourrait dire que les sensations
qui montent du corps en méditation sont comme les rayons
des différentes couleurs de l'arc-en-ciel qui convergent
vers le troisième oeil. Il y a là un prisme
qui transforme ces courants divers et variés en un
faisceau de lumière blanche et unique, qui se dirige
directement vers le soleil du Soi.
Les pratiques de méditation
dont je parle dans ce texte s’adressent à des
chercheurs spirituels qui sont prêts, c'est cette notion
si importante d’adhikari dans la tradition de l’Inde.
Les méditations centrées sur les sensations
corporelles ne sont par exemple pas recommandées pour
des patients hypocondriaques, qui n'ont que trop tendance
à prendre celles-ci comme une base de maladies imaginaires.
De façon générale, il est vrai que des
gens perturbés psychologiquement peuvent éventuellement
bénéficier de pratiques simples de méditation,
mais ceci à deux conditions : déjà, qu'ils
aient de l'intérêt à pratiquer, et deuxièmement,
qu’ils soient suivis directement par un psychothérapeute
qui ait lui-même l'expérience de ces pratiques
de méditation. Pour les chercheurs spirituels normalement
équilibrés, ces méditations où
l'on étudie très précisément le
rapport entre sensations corporelles, émotions et images
mentales forment une base : elles sont aux autres pratiques
méditatives ce que sont les mathématiques aux
autres sciences, elles permettent d'aller plus loin avec une
fondation plus solide.
Dhaulchina (Himalayas)
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