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- Corps, émotions et méditation - Dr Jacques VIGNE

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Corps, émotions et méditation.

par le Dr Jacques Vigne

Depuis vingt ans que je suis en Inde, dont plus de deux ans et demi en ermitage, j’ai pu expérimenter de nombreuses manières de pratiquer. Pour ceux qui veulent développer de bonnes bases en méditation, il est important d'avoir une idée très claire du rapport entre le corps, les émotions le mental. Pour cela, des méthodes inspirées par vipassana, la claire vision intérieure des bouddhistes, sont très utiles. On peut recevoir également une grande aide en ayant une notion pratique du corps subtil selon le Yoga et des correspondances que celui-ci établit entre les différentes parties de l’organisme ...

Nous avons déjà évoqué le fait que certaines parties du corps se correspondaient préférentiellement dans l'expérience de méditation.; ce fait est dû en général à une analogie de forme ou de position, souvent des deux, ce qui a pour résultat que quelque part dans le cerveau, ces deux structures sont traitées en même temps. Nous appelons ce genre de correspondance vécues entre les parties du corps isomorphies. c'est une notion qui n'est pas sans rapport avec les homologies du Dr Francis Lefébure (cf « Les homologies » le Courrier du livre, 1949, 1978) on peut y voir aussi une résonance morphique interne, pour reprendre la notion de résonance morphique de Rupert Sheldrake ( Une nouvelle science de la vie, 1985 et La mémoire de l'univers, 1988 au Rocher). Ces correspondances, ces résonances en réseaux à l'intérieur du corps -on pourrait parler de « résomorphies »- sont ce qui donne leurs formes entre autres aux émotions. Nous avons déjà mentionné que ces réseaux peuvent soit aider soit gêner la pratique selon qu'elles contribuent au non à une posture juste. Pour être concret, prenons l'exemple du nez : on peut dire qu'il correspond au tronc, à ce moment-là le septum nasal évoquera le périnée, les ailes des narines les hanches, l'arête du nez la colonne vertébrale, (il y a inversion entre l’avant et l’arrière, mais cela ne gêne par le processus d’isomorphie, pas plus que les différences de taille). L'ensellure turcique correspondra au cou, et la partie au-dessus de la racine du nez à la zone des yeux, c’est d’ailleurs la localisation du troisième oeil.

Si l'on prend la poitrine par exemple, la partie en dessous des seins sera reliée au bassin, et le haut du sternum plutôt au front. Le sacrum, quant à lui, avec sa forme de triangle à pointe inférieure, se projette facilement au niveau des omoplates, et on pourra le visualiser également au milieu du front. Sa pointe inférieure se confondra alors avec la racine du nez. Ce genre de correspondances permet de faire circuler l'énergie bien plus aisément, par exemple de la faire monter du sacrum au front via les omoplates. L’énergie du sacrum n'est pas automatiquement sacrée, mais avec ce processus, on la rend telle. Cela est une partie de travail de montée de la koundalinî.

Celle-ci utilise aussi une autre groupe de correspondances dans la pratique de la posture de siddhâsana. Le talon d'un des pieds est contre le périnée, celui de l'autre à la racine de l'organe sexuel, et on pratique en même temps la khechârî moûdrâ avec la pointe de la langue retournée vers la luette à la racine du palais. On appelle d'ailleurs celle-ci en sanskrit talu-mulam, ce qui a ce sens de "racine du palais" ; le talon quant à lui est nommé pada-mulam, la "racine du pied", et dans la posture de siddhâsana, on mène celle-ci vers mûlâdhâra, littéralement la base de la racine, au niveau du périnée. Ainsi, dans cette posture, on a aligné dans une même méditation verticale cinq "racines" : les deux talons, la racine du corps, la racine de l'organe sexuel, et celle du palais. Ces formes de structures analogues servent d’attracteurs à distance, entrent en résonance les unes avec les autres et favorisent l'ouverture des canaux d’énergies, des courants de sensations qui les relient.

Les isomorphies jouent un rôle important aussi, à mon sens, pour donner un début de compréhension des réflexes dont on se sert pour les traitements d'acupuncture. Par exemple, le point ro-kou, nom qui signifie "le fond de la vallée", se trouve à l'extrémité de cette vallée que forme le premier et le second métacarpien. Il est utilisé pour soigner les douleurs des molaires et dents de sagesse. Quand on réfléchit, il y a correspondance de forme, isomorphie entre la pince que forment le pouce et l’index et celle que forment mâchoire supérieure et mâchoire inférieure. Il n'est pas étonnant alors que le "fond de la vallée" soit relié au fond de la pince mandibulaire, c'est-à-dire les dents de sagesse et les molaires.

Au niveau de la main toujours, le troisième doigt, par sa position médiane, sera relié à la colonne vertébrale. Si en particulier la main est levée, la dernière articulation inter-phalangienne correspondra à la nuque, l'ongle à l'occiput et le bout du doigt au sommet de la tête. Il faut bien comprendre que ces isomorphies ne sont pas univoques, elles peuvent varier selon la position des parties mobiles, mains, pieds par exemple. Il existe une isomorphies qui est bien connue maintenant en réflexologie, c'est la projection de tout le corps dans une partie donnée, par exemple l'homonculus inversé au niveau du pavillon de l'oreille qui rend possible l'auriculothérapie, et la projection du corps au niveau de la plante du pied qui rend possible la réflexologie plantaire. Il y a un autre homonculus dont on se sert en Yoga, en particulier dans les pratiques de Kriya-Yoga : Lahari Mahashay, le fondateur de la forme moderne du Kriya-Yoga, l'appelle angushta purusha, l’homme (purusha) pouce (angushta). En pratique, on se représente dans la zone médiane du front son propre corps vu de dos et ayant la dimension d'un pouce. Cette visualisation favorise la transmutation de l'énergie, que ce soit celle des sensations venant du corps ou l’énergie du son qui vient de la base de celui-ci grâce au travail du Om. Rien n'empêche de poursuivre cette ascension de l'énergie en se représentant dans le front de "l'homme-pouce" un autre "homme-pouce" plus petit et ainsi de suite …

Une base d'association, d’isomorphies importante dans la posture de méditation la plus classique est tout simplement la rencontre des deux pouces quand les deux mains sont posées l'une sur l'autre. Elle sert de structure de cristallisation aux expériences de rencontre dans l'axe central de courants de sensations venant de la gauche et de la droite. Quels que soient les points du plan sagittal où l’on veuille faire se rencontrer les courants de sensations gauche et droite, visualiser ces points comme tenus entre les deux pouces permet de favoriser le processus de confluence des courants. Les dernières phalanges des pouces sont comme deux gouttes d'eau, quand elles se touchent, elles ont une tendance naturelle à rentrer en coalescence. Les pouces qui se rencontrent au-dessus des mains dessinent une sorte de sphère qui évoque l'unité de l'être originel : on se souviendra par exemple que pour Platon, l'être originel était sphérique. Il n'est pas si étonnant que les états intérieurs, par exemple ici l'expérience d'unité, puissent se manifester dans les mains. Le mot même mani-fester ne comprend-il pas le mot main ?

L'expression des enfants qui ne veulent plus jouer est intéressante. Il disent : "pouce, j'arrête!" Quand on réunit les deux pouces dans une même horizontale, c'est comme si tous les couples d'enfants qui se disputent en nous, les polarités qui semblent parfois irréconciliables, disaient tout d'un coup : "pouce, je ne joue plus !" En acupuncture, les pouces sont reliés au méridien du poumon. Garder les pouces dans une position médiane peut être ainsi rapproché d'un désir de respiration équilibrée, entre le haut et le bas des poumons, et entre l'avant et l'arrière dans la dilatation thoracique. L’émotions perturbatrice reliée aux poumons par les chinois est la tristesse ; elle est en général liée à un sentiment de solitude. Si les deux pouces "solitaires" se retrouvent, la solitude disparaît, et la tristesse s’en va. L'étonnant, c'est que cela marche effectivement ainsi : quand on a l'habitude de cette pratique, elle donne immédiatement une joie qui est celle de l'union.

L'enfant a tendance à sucer son pouce pour se calmer, se rassurer, et évidemment se rappeler la présence du sein et de la maman qui l’a nourri. La réunion des deux pouces évoque aussi la fusion enfant-mère - il suffit d'associer un côté à l'enfant et l'autre à la mère, mais en se dégageant de la dépendance orale. La sécurité provient alors d'un équilibre intérieur entre gauche et droite c'est-à-dire entre toutes les polarités de l'individu. Quand on voit les choses profondément, on peut en plus établir un lien entre le contact des pouces et la récitation du mantra : dans les deux cas, une association de départ à la satisfaction orale (langue dans le cas de la récitation, ou pouce dans la bouche) est transformée en expérience spirituelle. Le petit doigt est associé à une certaine superficialité - on caricature par exemple quelqu’un de snob en se le représentant en train de prendre sa tasse de thé avec le petit doigt levé. Peut-être est-ce dû à la structure fragile ou à sa situation externe quand la main est en position de pronation. En tous les cas, par opposition, le pouce est plus facilement associé à une notion de profondeur et de force.

Dans la tradition de l'Inde, il y a un chakra secondaire au centre de la paume, comme une fleur qui s'ouvre vers le ciel quand les mains sont en position de méditation. Cette fleur cherche naturellement le Soi à la manière du tournesol qui cherche le soleil. L'axe central du corps est également une tige, dont la fleur serait le cerveau. Celui-ci est aussi comme un tournesol qui cherche le soleil du Soi.

Si l'on s’intéresse maintenant des isomorphies, des homologies qui vont au-delà du corps, on peut continuer sur cette comparaison de la fleur. Francis Lefébure faire remarquer à juste titre que la forme de la colonne vertébrale elle-même correspond à la disposition des feuilles dans une plante habituelle : d'abord petites, elles deviennent assez rapidement très grandes et diminuent de nouveau jusqu'au sommet, pour devenir d'une taille minimale au niveau des sépales juste sous les pétales, dessinant si à peu près une pointe de lance. Cela évoque l'augmentation de taille des vertèbres sacrées jusqu'à la cinquième lombaire, la diminution progressive des corps vertébraux jusqu'à l’atlas et à l'épanouissement de cette fleur qu’est le cerveau. Il y a des correspondances inversées entre la plante et le corps humain qu’il vaut la peine de relever : la plante se nourrit par les racines, en particulier par d'innombrables radicelles directement en contact avec la terre, et respire par les feuilles. Ces organes de respiration et de nutrition sont donc à l'extérieur, alors que chez l'homme, les poumons et les villosités intestinales qui évoquent les radicelles sont ce qui il y a le plus à l'intérieur. L’évolution naturelle semble vouloir nous dire que pour en venir à l'être humain, un processus d’intériorisation est nécessaire. De même, dans la plante, la nutrition est en bas alors que la reproduction est en haut, au niveau de la fleur, avec le pistil, les étamines et le pollen. A l'inverse, chez l'homme, la fonction de nutrition est en haut avec la bouche, alors que celle de reproduction est en bas. Nombreuses sont les traditions ésotériques qui ont remarqué que l'être humain était une plante inversée qui a ses racines dans le ciel d'où il retire une sève de lumière.

Pour continuer avec des images "éclairantes", on pourrait dire que les sensations qui montent du corps en méditation sont comme les rayons des différentes couleurs de l'arc-en-ciel qui convergent vers le troisième oeil. Il y a là un prisme qui transforme ces courants divers et variés en un faisceau de lumière blanche et unique, qui se dirige directement vers le soleil du Soi.

Les pratiques de méditation dont je parle dans ce texte s’adressent à des chercheurs spirituels qui sont prêts, c'est cette notion si importante d’adhikari dans la tradition de l’Inde. Les méditations centrées sur les sensations corporelles ne sont par exemple pas recommandées pour des patients hypocondriaques, qui n'ont que trop tendance à prendre celles-ci comme une base de maladies imaginaires. De façon générale, il est vrai que des gens perturbés psychologiquement peuvent éventuellement bénéficier de pratiques simples de méditation, mais ceci à deux conditions : déjà, qu'ils aient de l'intérêt à pratiquer, et deuxièmement, qu’ils soient suivis directement par un psychothérapeute qui ait lui-même l'expérience de ces pratiques de méditation. Pour les chercheurs spirituels normalement équilibrés, ces méditations où l'on étudie très précisément le rapport entre sensations corporelles, émotions et images mentales forment une base : elles sont aux autres pratiques méditatives ce que sont les mathématiques aux autres sciences, elles permettent d'aller plus loin avec une fondation plus solide.

Dhaulchina (Himalayas)


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